Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et de l’École Polytechnique, en collaboration avec le Centre Helmholtz et l’Université de Copenhague, ont fabriqué, in vitro, « des amas cellulaires de souris mimant sous certains aspects l’organisation de vrais embryons ». Ils ont publié leurs travaux dans la revue Cell Reports [1].
Des « pseudo-embryons » de souris dotés d’une tête et d’un tronc
Pour y parvenir, les scientifiques ont traité les cellules souches embryonnaires de souris avec une molécule pendant un temps court. Cette molécule « inhibe l’accrochement d’une petite protéine, appelée SUMO, à d’autres protéines de la cellule ». SUMO « assure la stabilité de l’expression des gènes », ce qui confère à la cellule son « identité ». Le phénomène est appelé la « SUMOylation ».
« Nous avons émis l’hypothèse que des cellules souches embryonnaires pourraient entrer dans un état instable si elles sont privées de SUMOylation et placées dans un environnement favorable, SUMO ne jouant plus son rôle de garde du corps de l’identité cellulaire, indique Anne Dejean, co-auteur de l’étude. Cette remise à zéro serait alors propice à l’émergence de types cellulaires présents dans l’embryon naturel précoce de souris ».
Après avoir soumis des cellules souches embryonnaires de souris à une molécule qui inhibe l’action de la protéine, les chercheurs ont constaté « non seulement l’apparition de nombreux types de cellules différenciées, mais également que ces cellules étaient capables de s’auto-organiser spontanément et de manière harmonieuse, pour former in fine une structure polarisée mimant les principales caractéristiques d’un embryon de souris ».
Le « modèle » obtenu présente une architecture globale « moins aboutie » et une « variété cellulaire moins importante ». Toutefois, « les trois-quarts des structures générées forment des pseudo-embryons qui s’allongent progressivement avec la formation d’une tête et d’un tronc »[2].
Une approche « simple et efficace »
« On savait qu’il était possible de faire revenir des cellules matures différenciées à l’état de cellules souche en agissant sur la chromatine[3]. Cette étude prouve que la réciproque peut être vraie. »
« L’efficacité et la grande simplicité d’utilisation de cette approche ouvrent la voie à l’utilisation de molécules régulant l’état chromatinien, avec l’espoir de reconstruire un jour des modèles fidèles d’organes et d’embryons, affirment les chercheurs. Ces modèles pourraient permettre de mieux comprendre les mécanismes qui orchestrent l’établissement de l’identité de nos cellules et leurs dérèglements, notamment lors de la transformation tumorale. »
[1] Cossec, J.-C. et al. Transient suppression of SUMOylation in embryonic stem cells generates embryo like structures. Cell Reports, 2023. https://doi.org/10.1016/j.celrep.2023.112380
[2] Deux autres laboratoires ont généré, à partir de cellules souches embryonnaires, des embryons synthétiques « qui récapitulent presque parfaitement le développement de la souris jusqu’au stade fœtal ». « Mais avec moins de 1% de réussite, la procédure est complexe et fait intervenir un appareillage sophistiqué », note l’équipe française (cf. Des « embryons de synthèse » de souris développés dans un utérus artificiel).
[3] structure dans laquelle l’ADN est « empaqueté »
Source : Institut Pasteur (12/05/2023)