Roselyne Bachelot a annoncé hier, en conseil des ministres, la nomination d’un comité de pilotage des états généraux de la bioéthique, présidé par le député Jean Leonetti. "Les questions de bioéthique ne doivent pas être confisquées par les spécialistes, elles concernent tout un chacun. Mon objectif est que le débat puisse avoir lieu, débarrassé des fausses craintes et des faux espoirs que suscitent ces questions fondamentales", a déclaré la ministre.
Le gouvernement a donc souhaité que la révision des lois de bioéthique, qui doit intervenir dans un an, soit précédée d’une vaste consultation nationale sur des sujets comme "la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, le prélèvement et la greffe d’organes, de tissus et de cellules, l’assistance médicale à la procréation, la médecine prédictive, les diagnostics prénatal et préimplantatoire". Le comité de pilotage sera chargé de définir "une méthode de travail permettant d’assurer un véritable débat citoyen, touchant le plus grand nombre". Cinq autres personnalités composent ce comité : Alain Claeys, député PS et président de l’office parlementaire des choix scientifiques, Marie-Thérèse Hermange, sénatrice UMP et membre du CCNE, Sadek Beloucif, médecin et président du Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, Claudine Esper, professeur de droit, et membre du Conseil d’orientation de l’Agence de la Biomédecine et Suzanne Rameix, philosophe.
Le comité de pilotage commencera ses auditions dès le mois de janvier 2009. Trois forums régionaux se tiendront en province en présence d’un panel de citoyens choisis au hasard et formés aux questions de bioéthique par des spécialistes. Le comité de pilotage devrait rendre son rapport fin juin. L’ensemble de ces travaux devrait être la base d’un projet de loi pour la révision des lois de bioéthique : ce texte que le gouvernement souhaite dévoiler à l’automne 2009, pourrait être débattu par le Parlement début 2010.
Rappelons que ces lois de bioéthique ont pour principe d’être réexaminées tous les cinq ans par le législateur, afin de prendre en compte les avancées scientifiques et sociétales. Elles fixent une série de principes (indisponibilité du corps humain, non commercialisation du vivant, gratuité et anonymat du don), dont découlent autorisations et interdictions.
Les questions débattues seront les suivantes :
– l’assistance médicale à la procréation. Le débat portera sur l’éventualité d’ouvrir son accès aux couples homosexuels et aux femmes célibataires ;
– l’anonymat et la gratuité du don. En matière de don d’organes comme de gamètes, la loi impose le principe de l’anonymat et de la gratuité. Face à la "pénurie" de gamètes, la question de l’indemnisation du don d’ovocytes est posée. La question de la levée de l’anonymat du donneur de gamètes sera aussi évoquée après les revendications des enfants issus de ce "don" ;
– la gestation pour autrui. Le débat portera sur l’autorisation ou non des mères porteuses. Une mission d’information du sénat préconisait en juin de l’autoriser alors que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) s’est prononcé contre ;
– l’extension du diagnostic préimplantatoire (DPI). L’OPECST propose de dresser "de manière indicative une liste de maladies d’une particulière gravité" autorisant le DPI ;
– les recherches sur les cellules souches embryonnaires : l’interdiction des recherches sur les embryons pourrait être levée. L’OPECST est favorable à un régime d’autorisation préalable. Les membres de l’OPECST seraient aussi favorables au clonage dit thérapeutique, aujourd’hui interdit et qu’ils souhaitent appeler "transfert nucléaire" ;
– les tests génétiques. Ils sont réservés à des fins médicales ou judiciaires. Les parlementaires souhaitent inscrire dans la loi que "nul ne peut se prévaloir de son génome pour en tirer avantage".
Les responsables religieux des principales confessions, inquiets de "l’instrumentalisation" et de la "marchandisation" du corps humain et convaincus de porter une voix "originale" sur ces questions, souhaitent être écoutés lors de ces débats. L’Eglise catholique explique qu’elle souhaite "encourager la recherche tout en veillant au respect de toute personne humaine". Rappelant que l’embryon est un être humain dès sa conception, elle fait part de sa totale opposition aux recherches sur l’embryon. La Conférence des évêques de France a élaboré un document de travail reprenant son argumentation. Des personnes relais interviendront dans chaque diocèse.
Le Monde (Paul Benkimoun – Cécile Prieur – Stéphane Le Bars) 27/11/08 – La Croix (Marine Lamoureux) 27/11/08 – Le Figaro 27/11/08 – Le Quotidien du Médecin 28/11/08