TF1 : “Aux frontières de la vie”

Publié le 8 Jan, 2015

Mardi soir à 23 heures, TF1 diffusait « aux frontières de la vie » une émission en immersion proposée par Harry Roselmack, qui explorait la question de la fin de vie en France à travers cinq portraits. Si le journaliste interroge au sujet de la liberté de choisir sa mort, d’autres questions affleurent, malheureusement oubliée par le reportage, qui ouvrent aux vraies questions du débat sur la fin de vie.

 

Une fin de vie sereine ?

 

L’émission s’ouvrait et se terminait sur le suicide assisté d’Anne, Suisse de 71 ans. Anne demande à mourir. Elle n’est pas en fin de vie, mais elle a envie de mourir. « Vous savez quand on a beaucoup de douleurs, que c’est une perpétuelle lutte chaque jour pour avoir une qualité de vie quand même pas mal, c’est usant. Et il arrive un moment où vous n’avez plus tellement envie. » Anne est veuve, seule, sans enfants, elle n’a qu’une sœur très handicapée, elle ne se voit pas vivre la dégradation de son corps, une perte d’autonomie.

 

A la fin de l’émission, le journaliste la retrouve, elle a du être hospitalisée, elle respire mal, parler la fatigue. Elle a un dernier entretien avec le médecin de l’agence qui accompagne les candidats au suicide assisté. Il valide sa demande.  Le journaliste l’accompagne jusqu’ au moment où sera posé le geste qui doit lui donner la mort paisible qu’elle réclame. Mais Anne semble un peu perdue. Elle veut dire qu’elle est sereine mais avoue : « J’ai passé le moment d’angoisse en me disant que c’est  une aide formidable, mais… mais il faut y arriver quand même ».

 

Le bonheur est dans le partage

 

Gérard, lourdement handicapé à la suite d’un accident cardiaque. Il fait des démarches pour un suicide assisté en Suisse, grâce à une association relais en France. Surpris de voir que son entourage de ne veut pas du tout de ce suicide assisté, il se retrouve seul face à cette décision. Six mois plus tard, il a trouvé une structure pour l’accueillir. Il a abandonné son projet de suicide assisté parce que trop compliqué, mais aussi : « J’étais constamment dans cette démarche d’obtenir mon suicide assisté, dans quelque chose de glauque ». Il est serein, mais il a décidé de mettre lui-même fin à ses jours le moment venu. Pourtant au détour de la conversation, il explique : « Au cours de mon parcours, j’ai découvert que le bonheur il est dans le partage. Il n’est pas dans l’individualisme. Et si on partage tout, on ne se retrouve plus avec des gens dans ma situation ». A la fin de l’émission, il est le seul encore en vie.

 

Le sens de la vie vulnérable

 

Tania est à « La maison », un centre de soins palliatifs du sud de la France. Elle réclame l’euthanasie. Elle souffre et se voit souffrir, « je vais m’étioler petit à petit, ça n’apportera rien à ma vie, et je n’apporte rien à personne ». En quelques mots, elle pose la question de l’accueil de la personne vulnérable, du sens d’une vie qui semble devenue inutile. Plus tard, elle manifeste de l’exaspération à l’idée de devoir désormais dépendre d’un bassin pour ses besoins physiologiques. Comment est-elle aidée à accepter ces renoncements liés à la fin de vie ? L’équipe médicale essaie de la soulager, mais Tania a l’impression d’un acharnement thérapeutique. Elle voit ses proches souffrir de sa propre souffrance et ne le supporte plus.  Le journaliste souligne que seule la loi impose de ne pas répondre à sa demande. Sa fille, très proche, comprend sa mère, même si elle préfère la voir en vie. Au fur et à mesure, l’état de Tania se dégrade. L’équipe décide de la mettre sous sédation terminale contre l’avis de sa fille, qui vit très mal ce moment. Au bout de 4 jours de sédation, Tania décède.

 

Enfin Sylvie, demande à être illégalement euthanasiée en France après 14 ans de maladie. Elle prépare ce moment avec un médecin français, Dr Sonnet, qui agit dans l’illégalité par geste militant et surtout par « geste d’humanité, d’égalité, c’est le dernier soin », « c’est incroyable qu’on puisse disposer de sa maison mais pas de son corps ». Sylvie mourra sans aide, de mort naturelle.

 

L’émouvante joie de vivre d’Isabelle

 

Le reportage raconte aussi l’histoire très émouvante d’Isabelle. Elle a été accueillie à « La maison » de la Gradanne. Isabelle, c’est la joie de vivre. Quand on lui pose la question de l’euthanasie, elle répond : « Je ne veux pas donner la responsabilité à un tiers de ma mort. Le suicide, ça ne m’appartient pas. C’est la nature, Dieu qui décidera. Ou tout simplement mon organisme ». Elle avoue qu’il est « difficile de vivre sans savoir et d’être dans une urgence de vie en permanence. Il faut profiter de ce qui me reste ». Après six semaines, Isabelle est suffisamment rétablie pour rentrer chez elle. Un retour dont elle appréhende les difficultés. Harry Roselmarck ira la voir. Ce moment sera d’une rare intensité et d’une qualité exceptionnelle. On les retrouve avec une amie d’Isabelle, partageant un champagne. Les images sont très gaies, très belles et montrent bien ce que le directeur du centre de soins palliatifs de Gardanne essaie de dire au journaliste à son arrivée : même en fin de vie, de beaux moments restent à vivre. Conformément à son désir, Isabelle retournera à « La maison » pour y vivre paisiblement ses derniers moments.

 

Un personnel soignant qui s’interroge

 

Harry Roselmack rencontre aussi longuement le personnel soignant de l’établissement. C’est l’autre moment important de ce reportage. Le Directeur explique : « L’erreur qu’on a toujours dans ce genre de choses, c’est qu’on veut cadrer cette histoire là comme on cadre notre vie de tous les jours. La fin de vie ne se cadre pas à la vie de tous les jours. C’est beaucoup plus compliqué que ça, et nous, on le voit en permanence ».  Un membre de l’équipe ajoute qu’une loi autorisant l’euthanasie rendra les choses systématiques et déshumanisera leur métier : « Il ne faudrait pas qu’une loi supprime ça, le fait de réfléchir ensemble, de douter, de remettre en question, parce que ce sont  tout de même des questions importantes. Quand il y a une loi, on peut dire, je suis dans la loi, allons-y. (…) Quand on est confrontés aux patients, quand on est dans la chambre, à certains moments, ce n’est pas simple. Les gens sont dans une telle souffrance, qu’on souhaite que ça se termine. Et puis après un moment, on sait que ça peut être différent. Est-ce que c’est vraiment ça : tout border, que rien ne dépasse ? Je ne sais pas, je ne suis pas tout à fait sûre ». Le directeur reprend : « On est en difficulté tout le temps. Ce qui nous permet de vivre avec cette difficulté, c’est notre travail d’équipe, c’est le partage de réflexions et d’échanges. Autrement, c’est un métier impossible. »

 

Ainsi, si le journaliste s’interroge tout au long du reportage sur la légitimité d’interdire encore le suicide assisté, dont les images crues sont toujours excessives, ou l’euthanasie, ses rencontres posent des questions plus larges qui concernent le regard que notre société pose sur la personne vulnérable, sa souffrance, son utilité sociale, la solitude. Des questions prioritaires qui devraient être envisagées avant toute nouvelle législation.

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