Le Monde mène l’enquête sur les tests de paternité effectués par plusieurs milliers d’hommes français dans des laboratoires étrangers. Selon le laboratoire DNA Solutions qui effectue plus de 50 000 tests de paternité dans le monde chaque année, les demandes françaises ont augmenté de 65 % entre 2000 et 2006 "pour s’établir à 8 000".
En France, les tests génétiques ne peuvent être ordonnés que par un magistrat dans le cadre d’une procédure sur les liens de filiation. La loi de bioéthique de 1994 prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amendes à qui enfreint la loi.
Frédérique Granet, professeur de droit à l’université Robert Schuman de Strasbourg, explique sur quels fondements est reconnue la filiation.
Le premier fondement de la filiation est celui de la "la vérité biologique" c’est à dire la reconnaissance dans l’acte de naissance d’un homme comme père de l’enfant. "La loi présume que cette filiation est conforme à la vérité biologique". Le second fondement est celui de "la possession d’état" c’est à dire la réalité sociologique et affective entre un homme et un enfant où l’homme élève l’enfant comme son fils et l’enfant le considère comme un père. Avec la procréation médicalement assistée, "la volonté" de créer une famille devient un nouvel élément de la filiation. Dans le cas de l’adoption, on parle de "filiation adoptive".
Pour beaucoup d’experts, ces tests de paternité pratiqués à l’insu des familles posent de nombreux problèmes éthiques. Le Pr Didier Sicard, président du Conseil consultatif national d’éthique explique : "il y a un déséquilibre énorme entre l’extrême simplicité du test et la complexité infinie des questions qu’il pose. Le rapport à la famille est tout sauf biologique. La vérité biologique ne doit pas forcément l’emporter sur la paternité socialement reconnue, l’éducation ou les relations affectives (…)".
Le Monde (Anne Chemin) 09/11/06