Second round au Sénat : la bioéthique pourra-t-elle compter sur « les sages » ?

Publié le 22 Jan, 2020

Les sénateurs ont entamé hier l’examen en première lecture du projet de loi bioéthique. L’après-midi a principalement été occupée par la discussion générale, que les ministres Agnès Buzyn, Frédérique Vidal, Nicole Belloubet ont introduite, et au cours de laquelle plus d’une quinzaine de sénateurs ont successivement émis leur avis, leur perception du texte bioéthique. 

 

Les sénateurs ont ensuite débattu de l’article 1 et voté, dans la droite ligne de ce qui avait été établi à l’Assemblée nationale, le principe de la PMA sans père. 

De la discussion générale peu de choses sont à retenir en regard de ce qui a déjà été dit lors des précédents débats à l’Assemblée nationale ou dans les travaux préparatoires du Sénat. 

 

Agnes Buzyn, ministre de la santé, s’est surtout félicitée de la partie du texte concernant la légalisation de la PMA sans père et de l’autoconservation des gamètes « pour tous », mais réitère son opposition ferme à l’extension du DPI aux aneuploïdies (DPI-A). Elle répète une fois encore que cette revendication ne repose sur aucune donnée scientifique et confirme qu’une recherche sur le sujet sera lancée. Elle invoque aussi la contradiction manifeste du DPI-A avec notre société d’inclusion.

 

Nicole Belloubet, ministre de la Justice, plaide encore et toujours pour la construction juridique qui instaure ex-nihilo le droit pour deux femmes d’être mères d’un même enfant, et rassure en affirmant que le droit commun de la filiation n’est pas modifié, que seul un régime juridique ad hoc est institué. Ce qu’on peine à croire.

 

Enfin, Frédérique Vidal, ministre de la recherche, réitère une quasi-réplique de son discours devant la commission spéciale bioéthique : « Ce que la science rend possible n’est pas forcément souhaitable », « aucune ligne rouge n’est franchie [car] il n’y aura pas de création d’embryon pour la recherche ni de modification génétique de la descendance ». Elle continue de bercer une douce présentation de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) qui pourrait guérir de la maladie de Parkinson, des pathologies cardiaques, etc. Pour mémoire, en 20 ans de recherche dans le monde, aucun résultat thérapeutique de la recherche sur l’embryon n’a été établi. Aussi, promettre la guérison par l’embryon ne s’appuie sur aucun résultat scientifique. Seul un essai clinique a débuté en France et il est impossible d’en tirer une quelconque conclusion à ce jour. 

 

Enfin, les sénateurs des groupes LREM centristes, ou de gauche ont affirmé leur adhésion au principe de la PMA sans père, ou encore, à la sélection accrue des embryons en éprouvette via le DPI-A, présentant cette ambition comme une technique d’amélioration du parcours de PMA. Certains regrettent que le texte ne prévoie plus le remboursement de la PMA pour toutes, et que celui du DPI-A n’ait pas été pris en compte. Enfin, le groupe les Républicains reste divisé entre Corinne Imbert qui représente la branche transgressive et se réjouit que les sénateurs de la commission spéciale soient allés plus loin que le gouvernement LREM en étendant la durée de conservation in vitro de l’embryon jusqu’a 21 jours et le DPI aux anomalies chromosomiques. De l’autre côté, Muriel Jourda, Bruno Retailleau, Philippe Bas représentent l’autre versant des Républicains. Ils évoquent notamment leur désaccord sur la PMA sans père. Bruno Retailleau évoque dans son discours son inquiétude sur le régime déclaratif des CSEh[1] le comparant à un « chèque en blanc » donné aux chercheurs, et a tenté d’exhorter ses collaborateurs, les incitant à rejeter la sélection accrue en éprouvette (DPI-A) suivant l’avis de la ministre Agnès Buzyn. Enfin Philippe Bas a lui aussi évoqué la recherche sur l’embryon en expliquant que « l’utilité ne doit pas faire loi »

 

Stéphanie Ravier, pour les non-inscrits n’a pas mâché des mots : « Votre société d’inclusion est une société d’oppression qui supprime la paternité ou le handicap considéré comme une tare »

 

La soirée s’est poursuivie par l’examen de l’article 1. Malgré une majorité de droite, les sages du palais du Luxembourg ont voté la PMA sans père. On ne peut que le regretter.

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