Reconstituer la bioéthique pour sauver la démocratie ?

Publié le 6 Oct, 2008

A l’occasion de la prochaine révision des lois de bioéthique et soixante ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Emmanuel Hirsch, directeur du département de recherche en éthique à l’université Paris-Sud XI, rappelle que les professionnels de santé doivent appliquer dans leur mission auprès des personnes vulnérables et menacées dans leur dignité, le respect des valeurs qui fondent la démocratie.

Ceux qui œuvrent au quotidien dans le soin et la recherche “comprennent le processus engagé après la Shoah comme relevant d’une responsabilité qui les concerne de manière spécifique” et de ce fait la “prise en compte des réflexions développées depuis le code de Nuremberg (1947) s’avère d’autant plus indispensable” que ces professionnels se trouvent confrontés à “des actes qui pourraient mettre en danger la dignité humaine par un usage impropre de la biologie et de la médecine“.

Un large débat public est donc indispensable, qui ne peut être le seul apanage des organismes éthiques car ceux-ci “ne semblent plus en capacité d’énoncer seuls de manière convaincante” les repères nécessaires. Il faudra avoir le courage de comprendre “nos responsabilités personnelles“, “avoir le courage de les assumer“, et repenser les fondements mêmes de nos lois de bioéthique.

Aucun organisme ne peut aujourd’hui certifier que les encadrements successifs fixés par la loi, résisteront à la quête effrénée de victoires promises sur la maladie et sur la mort, de performances scientifiques et de résultats économiques. La fascination pour ces “progrès” est si grande que la simple interrogation sur leur légitimité devient un affront et l’on peut craindre que les Droits de l’homme deviennent peu à peu, une notion obsolète. Procréation médicalement assistée, tests génétiques, prélèvements d’organes, interventions sur le génome humain, mort médicalement assistée : “les fondements ainsi que la vocation du soin ne sont-ils pas bafoués en trop de circonstances, au risque de considérer tolérables des mentalités, des procédures et des actes préjudiciables à l’idée même de dignité humaine ?” “Les pratiques extrêmes de la biomédecine induisent des représentations de l’homme et de la vie qui abolissent progressivement les principes mêmes de la civilisation.”

Emmanuel Hirsch invite donc à une réflexion pluraliste basée sur des fondements cohérents et transparents “qui incarnent une conception forte de l’idée d’humanité“, au risque de devoir “refonder la bioéthique.” “ll y va d’enjeux démocratiques évidents.”

Emmanuel Hirsch étant également directeur de l’Espace éthique de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), nous annonçons que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) vient de désigner officiellement l’Espace éthique de l’AP-HP comme « Centre collaborateur ». Jusqu’à présent seules trois autres institutions à travers le monde collaboraient avec l’OMS spécifiquement sur les questions éthiques : au Chili, au Canada et aux États-Unis.

La Croix (Emmanuel Hirsch) 07/10/08

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