Chargée d’évaluer la loi du 22 avril sur la fin de vie et de faire des propositions, la mission confiée au député UMP Jean Leonetti et trois de ses collègues (le socialiste Gaëtan Gorce, le communiste Michel Vaxès et le centriste Olivier Jardé) a rendu son rapport au Premier ministre le 2 décembre 2008. Après six mois d’auditions de 60 spécialistes des questions éthiques et praticiens de la fin de vie, les députés refusent toute légalisation de l’ “aide active à mourir” ou de “l’exception d’euthanasie” et plaident pour une meilleure application de la loi sur la fin de vie.
Une loi méconnue et mal appliquée
Les rapporteurs regrettent tout d’abord que la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades soit méconnue et mal appliquée. Selon une enquête réalisée auprès des personnels soignants pour le compte de l’Espace Ethique de l’AP-HP de Paris, seuls 22% des personnels soignants savent qu’il y a interdiction d’obstination déraisonnable, 12% que la volonté des patients doit être respectée et 4% parlent de soulager la douleur en appliquant un traitement pouvant avoir un double effet. Actuellement, en Ile de France, seulement 3 des 150 cancérologues sont formés aux soins palliatifs. La loi du 22 avril 2005 n’a fait l’objet d’aucune campagne d’information des professionnels de santé de la part du Ministère de la santé ; cette absence d’information trahirait même, selon le Professeur Emmanuel Hirsch, directeur de l’Espace Ethique de l’AP-HP, l’existence de “stratégies fatales” menées dans le but de temporiser avant de créer, demain, “les conditions d’une dépénalisation dans une prochaine loi“.
Améliorer la formation
La mission propose dans ce but la création de chaires universitaires de soins palliatifs qui permettraient d’encourager la recherche dans ce secteur et de diffuser la culture palliative à l’hôpital. Il faut faire “évoluer la conscience palliative. La médecine d’accompagnement n’est pas un pis-aller ou un complément, ça n’est pas parce qu’on ne va pas guérir les gens qu’on ne peut pas les soigner“.
Obstination déraisonnable et néonatologie
La loi de 2005 a fait prendre conscience aux néonatologistes qu’il leur était obligatoire, dans certains cas, de recourir aux soins palliatifs. L’interdiction de poursuivre des thérapies par une obstination déraisonnable paraît avoir modifié l’attitude de certaines mères confrontées à une proposition d’interruption, dite médicale, de la grossesse (IMG). L’encadrement légal du juste soin et de l’accompagnement du mourant, fut-il un nouveau-né, rassure certains parents sur la prise en charge de leur enfant à la naissance et en détourne de l’IMG. Selon le Docteur Betremieux, chef du service de réanimation pédiatrique et néonatale au CHR de Rennes, c’est un phénomène récent qui “tend à se répandre très rapidement” et qui n’avait pas été envisagé au moment de la discussion de la loi.
A l’étranger
La mission s’est rendue aux Pays-Bas et en Belgique où l’euthanasie est dépénalisée, en Suisse où le suicide assisté est autorisé, ainsi qu’en Angleterre qui a une loi relative aux soins palliatifs. Le rapporteur constate en premier lieu que “les critères retenus pour obtenir un droit à la mort sont flous” et que “à partir du moment où l’on ouvre un droit, il est difficile de ne pas l’ouvrir pour tous“. Aux Pays-Bas, le nombre d’euthanasies clandestines reste élevé, et parallèlement, là où les soins palliatifs ont été développés, “l’euthanasie régresse, car cette prise en charge diminue considérablement la demande de mort“. En Suisse, un tiers des personnes qui demandent une aide au suicide ne sont pas atteintes d’une maladie grave et incurable ; en Belgique, des malades psychiatriques sont euthanasiés et il est même possible de prélever un organe après euthanasie du donneur.
Sédation en phase terminale
La mission aborde aussi la question complexe de la sédation en phase terminale qui n’est pas toujours bien appréhendée par les médecins et doit être couverte par la doctrine du double effet, le but premier étant de calmer la souffrance tandis que l’effet secondaire non voulu mais accepté comme un risque pouvant être de précipiter la mort. Les conditions d’usage de la sédation en phase terminale devraient être précisées dans le Code de déontologie médicale. Il est permis de s’interroger quand le rapport énonce qu’”un traitement à visée sédative peut être justifié lorsque la nutrition-hydratation présente un caractère inutile, disproportionné“, chez des patients en état végétatif ; dans ce cas, en effet, la sédation n’est plus conforme au double effet mais devient un moyen de masquer le fait que la mort a été donnée par défaut d’alimentation.
Congé d’accompagnement de fin de vie
Le rapport propose aussi la création d’un congé d’accompagnement de fin de vie rémunéré pendant quinze jours afin de retisser les liens de solidarité familiale.
Observatoire des pratiques médicales en fin de vie
Le rapport propose la création de cet organisme avec une mission d’information et d’évaluation qui permettrait de lever le voile sur des pratiques clandestines d’euthanasie ou d’obstination injustifiée ainsi que d’adapter des stratégies d’accompagnement.
Revenant sur le combat mené par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Jean Leonetti reprend les termes de François Goldwasser (chef de service en cancérologie à l’hôpital Cochin), “ses membres prônent un ex-progrès devenu ringard. C’est vrai qu’il fut un temps où il valait mieux faire ça que l’agonie dans la torture. Mais aujourd’hui, avec les techniques qui sont en place, médicaliser la mort c’est l’adoucir. Cela s’apprend, c’est souvent par incompétence ou par peur que l’euthanasie est réclamée ou qu’elle est donnée“.