Protégé du COVID-19 par ses gènes ?

Publié le 31 Mar, 2020

Des scientifiques s’interrogent sur la « sélectivité » de l’épidémie de coronavirus : « Seules certaines personnes tombent malades parmi les personnes contaminées et, bien que la plupart des personnes gravement malades soient âgées ou souffrent de facteurs aggravants comme les maladies cardiaques », certaines personnes sont mortes du Covid-19 alors qu’elles étaient « en bonne santé et même relativement jeunes ». Ainsi, des chercheurs à travers le monde se penchent sur le génome des patients, « à la recherche de variations de l’ADN qui expliqueraient ce mystère ». Les résultats de ces études « pourraient être utilisés pour identifier les personnes les plus exposées à une forme grave, celles qui pourraient être protégées, et ils pourraient également orienter la recherche de nouveaux traitements ».

Parmi les suspects, « le gène codant pour la protéine de surface cellulaire ACE2, que le coronavirus utilise pour pénétrer dans les cellules des voies respiratoires ». En effet, « les variations du gène ACE2 qui modifient le récepteur pourraient rendre plus facile ou plus difficile l’entrée du virus dans les cellules », explique l’immunologiste Philip Murphy de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses aux Etats-Unis. Ce laboratoire du NIH avait identifié « une mutation relativement courante pour une autre protéine de surface cellulaire humaine, CCR5, qui rend certaines personnes très résistantes au VIH ».

Le généticien Andrea Ganna, de l’Institut de médecine moléculaire de l’Université d’Helsinki en Finlande (FIMM) et du Broad Institute aux Etats-Unis, a lancé une initiative « visant à mettre en commun les données génétiques des patients COVID-19 du monde entier », la « COVID-19 Host Genetics Initiative ». Plus d’« une douzaine de biobanques » ont manifesté leur intérêt pour ce projet. Parmi elles, « FinnGen, qui possède des échantillons d’ADN et des données sur la santé de 5 % des 5 millions de Finlandais, ou la biobanque de l’école de médecine Icahn du Mont Sinaï, qui compte 50 000 participants ». Et des patients malades du COVID-19 sont maintenant recrutés spécifiquement dans les hôpitaux.

Par ailleurs, l’une des plus importantes biobanques du monde avec des données ADN de 500 000 patients, la biobanque britannique, prévoit d’intégrer les données de santé en lien avec le COVID-19 à sa base de données. En Islande, la société deCODE Genetics, qui aide au dépistage d’une grande partie de la population du pays, « a reçu l’autorisation du gouvernement d’ajouter ces données, et tout symptôme COVID-19 qui serait identifié ultérieurement, à sa base, qui contient des données sur le génome et la santé de la moitié des 364 000 habitants de l’Islande ». Un autre projet, coordonné par l’Université d’Harvard, le « Personal Genome Project », dont les milliers de volontaires partagent les données relatives à leur génome et leur santé à des fins de recherche, a sollicité ses participants pour connaitre « leur statut COVID-19 ».

De son côté, le chercheur en pédiatrie Jean-Laurent Casanova, de l’université Rockefeller, dont la spécialité est « l’identification de gènes rares pouvant rendre des jeunes gens en bonne santé susceptibles de développer certaines maladies graves », « s’appuie sur un réseau de pédiatres dans le monde entier » afin d’identifier des jeunes gens qui développent une forme du COVID-19 « suffisamment grave pour être admis en soins intensifs ». « Nous étudions exclusivement des patients qui étaient auparavant en bonne santé et qui ont moins de 50 ans », car la forme grave de COVID-19 développée est « plus susceptible d’avoir une base génétique », explique le chercheur.

Au-delà des variations génétiques de l’ACE2, les chercheurs s’intéressent à l’influence du type HLA sur la réponse immunitaire de l’organisme au COVID-19, et la sévérité de la maladie en conséquence. Ils souhaitent aussi explorer une hypothèse proposée par une équipe chinoise, selon laquelle les personnes ayant un groupe sanguin de type O « pourraient être protégées du virus ». Selon Andrea Ganna, les premiers résultats pourraient être disponibles d’ici « quelques mois ».

Pour aller plus loin :

Préserver la diversité humaine pour faire face aux épidémies ?

Science, Jocelyn Kaiser (27/03/2020)

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