Mardi en fin d’après-midi, entre la séance de questions au gouvernement et la séance de la soirée, les députés ont débattu de l’article 20 du projet de loi de bioéthique qui concerne l’interruption médicale de grossesse (IMG).
Cet article vise à la fois à supprimer le délai légal de réflexion d’une semaine quand une pathologie grave du fœtus est diagnostiquée et à encadrer les interruptions sélectives de grossesse (ISG), c’est-à-dire que le texte propose de légiférer sur les réductions embryonnaires. Dans les cas où une grossesse gémellaire ou multiple met la vie de la mère en danger, ou quand le nombre d’embryons sains les met en danger, les députés ont souhaité encadré la pratique de l’IVG jusqu’ici exclue du cadre de la loi.
Concernant la suppression du délai légal, Xavier Breton, député LR, dénonce « la tendance eugénique des avortements tardifs », expliquant par ailleurs que c’est une décision « irréversible, traumatisante » car elle intervient après plusieurs mois de grossesse et requiert un temps de réflexion. Pascal Brindeau, député UDI, veut s’en remettre à l’avis du Conseil d’Etat qui, sans imposer de délai, demande que la femme soit informée qu’elle peut bénéficier d’un temps de réflexion.
Jean-François Eliaou, député LREM et rapporteur de cette partie du texte, balaie d’un revers de main ces réserves, estimant que les étapes entre le diagnostic et l’IMG sont longues et qu’elles « permettent la réflexion ». Il considère par ailleurs qu’il est important que la femme ne sorte pas du « colloque singulier » avec le médecin, la sage-femme, parce qu’elle « réfléchit à quelque chose d’inéluctable ».
On est en droit de s’interroger sur ce que veut dire le rapporteur : est-ce que l’avortement est inéluctable quand le bébé est atteint d’une maladie d’une particulière gravité ? De plus en plus de parents choisissent de mener à terme la grossesse, d’accueillir leur bébé malade, de l’accompagner durant toute sa courte vie : quelques heures, quelques jours, quelques mois, plus… Et se réjouissent d’avoir connu le visage de leur enfant (cf. Soins palliatifs néonataux : Rencontrer son enfant qui va mourir ). Plus tard, le député parle d’un délai qui infantiliserait la femme mais en ne lui permettant pas de prendre du recul par rapport à ce « dialogue singulier » établi avec les soignants, que craint-il ? Que la femme change d’avis et garde son bébé ? Qu’elle ne soit pas assez mûre pour faire face à son environnement habituel ? De son côté, Adrien Taquet, secrétaire d’état auprès de la ministre de la santé, a estimé que les délais liés aux pratiques actuelles étaient par ailleurs garantis. Mais Patrick Hetzel, député LR, souligne les conséquences éthiques et psychologiques d’une IMG pour dénoncer les études d’impact qui mettent en avant le coût de la prise en charge et il s’insurge : « On parle de la vie d’enfants, ça ne peut pas se traiter à coup d’euros. Le rôle de la médecine est avant tout la préservation de la vie ». Michèle Peyron, députée LREM, témoignera de son IMG… Pascal Brindeau, reprenant la parole, conclura cependant, que « ce délai qui pourrait être proposé ne semble pas excessif ». L’amendement sera rejeté.
Sur la question des ISG, les amendements seront surtout proposés par la majorité, Thibault Bazin, député LR, demandera que l’équipe puisse intégrer dans la décision un spécialiste de l’affection particulière de la femme. Il ne sera pas écouté. L’article 20 sera adopté sans beaucoup de modification à 53 voix contre 6…
Une fois de plus, les députés ont regretté un débat tronqué : la règle du temps partagé ne leur permettant de ne défendre « qu’un amendement sur quatre » pour les députés Les Républicains alors qu’il s’agit de débattre de sujets majeurs (cf. Projet de loi de bioéthique : les députés contestent le “temps législatif programmé”).
Mercredi dans l’après-midi, comme la ministre de la Justice l’avait annoncé, l’article concernant la reconnaissance automatique en France de la filiation d’enfants conçus par GPA (mère porteuse) dans un pays étranger où la pratique est autorisée (cf. Projet de loi de bioéthique : De la PMA pour toutes à la GPA ) a été remis au vote et rejeté à une large majorité 139 voix contre 23 et 7 abstentions. Le gouvernement ne souhaite pas « ouvrir une brèche dans la prohibition de la GPA, prohibition qu’il souhaite absolument maintenir ». La ministre de la justice, Nicole Belloubet, a considéré que l’arrêt de la Cour de cassation qui a été prononcé le 4 octobre après le vote, la veille, de l’amendement, « tranche un cas d’espèce, réaffirme la conformité du droit français actuel aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme » (cf. GPA et affaire Mennesson : la Cour de Cassation permet la transcription de la mère d’intention sur l’acte de naissance ).
A l’issue de cette première lecture du projet de loi de bioéthique à l’Assemblée nationale, le vote solennel de la loi doit avoir lieu le 15 octobre prochain.