Le projet de loi bioéthique[1], qui sera présenté mercredi en Conseil des ministres, a reçu pour l’essentiel l’approbation du Conseil d’Etat, rapporte le journal La Croix qui a consulté son avis adopté le 18 juillet.
En juin 2018, le Conseil d’Etat avait déjà livré son « rapport sur la révision de la loi de bioéthique » (cf. Rapport du Conseil d’Etat sur la révision de la loi de bioéthique : consécration du principe de liberté ?), dont nombre d’éléments sont repris dans ce nouvel avis : « Les juristes du Palais-Royal rappellent ainsi qu’en matière de PMA, le droit n’impose aucune extension. Cette dernière ‘relève d’un choix politique, écrivent les auteurs de ce nouvel avis. Le droit ne commande ni le statu quo, ni l’évolution’. De même, ils répètent que l’extension de la PMA ‘n’est pas de nature à entraîner juridiquement l’autorisation en France d’autres techniques, telles la gestation pour autrui’ ». Cependant, favorable à la prise en charge de la PMA par la Sécurité Sociale, l’avis donne pour la première fois une évaluation du coût de son extension : « entre 10 et 15 millions d’euros par an », soit « 5% du coût total actuel de l’AMP, lequel s’élève à 300 millions d’euros » (cf. En 2014, la PMA a coûté 300 millions d’euros à l’Assurance maladie).
Sur la question de la filiation (cf. « PMA pour toutes » : une impasse pour la filiation de l’enfant), le Conseil d’Etat préconise de « préserver le cadre actuel de l’établissement de la filiation pour les couples composées d’un homme et d’une femme et leur liberté de choix de révéler ou de ne pas révéler à leur enfant son mode de conception », et d’instaurer pour les couples de femmes « une déclaration anticipée devant un notaire qui serait transmis à l’officier d’état civil chargé de retranscrire la filiation sur les registres après la naissance ». Une différence de traitement qui « se justifie par une différence objective de situation : la référence à une vraisemblance biologique leur est radicalement inapplicable ».
Concernant l’accès aux origines des enfants issus d’un don de gamètes, le Conseil d’Etat estime que demander son consentement au géniteur non pas au moment du don mais lorsque l’enfant exprime la demande de connaitre son identité (à minima 18 ans après son don) « protège le donneur en lui permettant d’exprimer son consentement ou son refus dans un contexte plus propice à une décision éclairée ». Même si « cette solution conduit à soumettre l’enfant à un aléa ».
Enfin, contrairement au projet de loi bioéthique rédigé par le gouvernement, le Conseil d’Etat se prononce une nouvelle fois en faveur de la PMA post mortem à condition que ce dernier soit encadré dans le temps, avec « délai minimal à compter du décès et délai maximal ». Une position qu’il estime en cohérence avec l’extension de la PMA : si la PMA post mortem reste interdite « cela aboutira à ce qu’une femme dont l’époux est décédé doive renoncer à tout projet d’AMP avec les gamètes de ce dernier ou les embryons du couple, alors qu’elle sera autorisée à réaliser une AMP seule, avec tiers donneur ».
Pour aller plus loin :
- Vers la satisfaction d’un droit individuel à l’enfant ?
- “La société ne peut pas dire, d’une part, que les femmes ne peuvent pas se passer d’enfant et, d’autre part, que les enfants peuvent se passer de père”
- Révision de la loi de Bioéthique : « Nous sommes en train de laisser passer des choses gravissimes »
[1] cf. Agnès Buzyn présente les grandes lignes du projet de loi de bioéthique ; Loi de bioéthique : recherche sur l’embryon, diagnostics anténataux, avortement, les invités de l’ombre
La Croix, Loup Besmond de Senneville (22/07/2019) – Le Conseil d’État précise et valide le projet de loi de bioéthique