Jean-Yves Nau revient sur les problématiques posées par les nanotechnologies qui suscitent de nombreuses réactions, comme en témoignent les récents débats houleux qui ont obligé la Commission nationale de débat public (CNDP) à annuler certaines réunions sur le sujet (Cf. Synthèse de presse du 23/02/10). Croisant plusieurs disciplines, telles que la mécanique, l’électronique, la chimie, la biologie, l’optique, etc., les nanotechnologies et leur maîtrise de l’infiniment petit sont au centre d’une polémique : plus d’un millier de produits commercialisés contiennent des nanomatériaux (pneumatiques, produits cosmétiques, raquettes de tennis, etc), souvent à l’insu des consommateurs. Serait-il “trop tard pour en parler ?” Les responsables politiques français ne le pensent pas et souhaiteraient voir les citoyens s’emparer de la question et débattre.
Pour des organismes de recherche publics, les nanotechnologies pourraient “contribuer au développement d’une société économe en ressources naturelles et en énergie, porteuse d’une forte exigence de préservation de la santé et de l’environnement“. Entre autres attentes concernant la santé, elles pourraient, selon l’Inserm, permettre de développer des traitements médicamenteux contre les cancers qui seraient amenés au plus près des tumeurs cancéreuses. Les nanotechnologies font espérer le traitement d’affections neurologiques grâce à “la miniaturisation d’électrodes directement implantées au sein du système nerveux central“. Des progrès importants sont attendus tant en terme de qualité du diagnostic personnalisé qu’en terme de puissance thérapeutique. La CNDP explique également que dans l’actuel contexte de crise économique, le secteur des nanotechnologies constituerait pour les entreprises françaises et européennes une chance de sauvegarder leur compétitivité, alors qu’on prévoit un marché de 1000 milliards de dollars en 2015. La France étant au 5eme rang mondial de la recherche sur les nanotechnologies, certains souhaitent voir cette recherche se développer davantage. Créé ces dernières années, le campus Minatec à Grenoble spécialisé dans la recherche “en micro et nanotechnologies”, a lancé l’an dernier le plan “Nano-INNOV” qui a l’objectif de “donner à l’industrie française les moyens de réussir le virage des nanotechnologies“.
Toutefois, la CNDP reconnaît les possibles risques sanitaires et environnementaux, ou les dangers pour les libertés individuelles, en soulignant que “le caractère invisible des nano-objets ne fait que renforcer l’angoisse et la défiance“. Un certain nombre d’associations de protection de l’environnement, de consommateurs, et de scientifiques sont également critiques et insistent “sur la nécessité de procéder à une véritable analyse bénéfices/risques“. Mais beaucoup sont convaincus qu’il est trop tard et que rien n’arrêtera la machine industrielle lancée. Enfin, pour ce qui concerne ces recherches dans les secteurs de la biologie et de la médecine, c’est le “passage de la correction du pathologique à l’amélioration du normal” qui interroge, avec l’idée inquiétante de “transhumanisme” ou de dépassement de l’humain. Point sur lequel il est encore temps de s’interroger.
Revue médicale suisse (Jean-Yves Nau) 26/04/10