Interrogée sur cette journée organisée aujourd’hui par l’Assemblée nationale avec l’Agence de la biomédecine, Marie-Jo Thiel, directrice du Centre européen d’enseignement et de recherche éthique (Ceerel) des Universités de Strasbourg s’inquiète de la façon dont les interventions seront menées et l’absence de débat : " les possibilités offertes par les cellules souches dans le liquide amniotique seront-elles à l’ordre du jour? Parlera-t-on des cellules souches adultes? Des possibilités offertes par le recherche sur le cordon ombilical?"
Elle rappelle que les espoirs sur le clonage thérapeutique semblent illusoires : "Nous n’avons actuellement dans le monde aucune lignée de cellules souches embryonnaires obtenues par clonage. Sans parler du risque de marchandisation, voire de trafic pour obtenir des ovocytes… On sait que les cellules souches embryonnaires ont un pouvoir cancérigène important. On propose même de changer de nom pour parler de "transfert nucléaire" parce que l’on doute de l’issue thérapeutique".
Répondant à la question de Jean-Marie Guenois sur le diagnostic préimplantatoire, Marie-Jo Thiel avoue sa crainte : "La question n’est plus de guérir mais d’éliminer : l’enfant devient une marchandise que l’on commande, que l’on élimine avant sa naissance s’il est défectueux"(…)."Par cette mesure il meurt actuellement plus d’enfants normaux que d’enfants trisomiques. Par souci de risque zéro, on préfère en effet, éliminer au moindre doute avant la naissance."
Elle dénonce la mise en place d’un "bio-pouvoir étatique" : "Je vois la société se transformer selon une logique biologique : on aurait le droit de faire mourir dans la mesure où il y a déficience biologique. L’autre n’est pas conforme, on l’élimine… Il [le bio-pouvoir étatique] n’est pas très loin de la perspective du nazisme qui pourrait être plus prégnante qu’on ne le dit."
Et elle s’inquiète : "quels moyens donne-t-on avec le dépistage pour que la personne puisse prendre une décision sereine ? Ce n’est pas en supprimant le fragile que l’on supprime la fragilité… Que construisons-nous si la pensée unique impose que l’on doive éliminer tout ce qui n’est pas conforme ou ce qui est fragile ?"
La Croix (Jean-Marie Guénois) 07/02/07