Au CHU de Reims, le Docteur Simon avait convoqué la famille de Vincent Lambert pour lui faire part de sa décision, à l’issue de la procédure collégiale, au sujet de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation du patient. Contre toute attente, le Dr Simon a suspendu la procédure et a indiqué que le CHU de Reims voulait saisir le procureur « pour mettre Vincent sous protection globale et déterminer un référent qui pourrait le représenter légalement » (cf. Gènéthique vous informe du 23 juillet 2015). Maître Paillot, l’avocat des parents de Vincent Lambert exprime, pour Gènéthique, son soulagement.
Comment réagissez-vous à cette décision ?
C’est inespéré. A juste titre, tout le monde tablait sur l’arrêt des traitements, tout laissait à penser que le médecin allait prendre cette décision. Le docteur Simon est arrivée en retard, visiblement affectée. On peut se demander si la décision finale du médecin n’a pas été dictée par la direction du CHU.
De notre côté, nous avions préparé un long référé qui contenait des arguments qui nous laissaient espérer une suite plus favorable. Nous n’en avons pas eu besoin.
Comment expliquez-vous ce changement ?
Tout d’abord, il y a eu la prise de position des évêques, le Cardinal Barbarin et surtout l’évêque de Reims. Je pense que leur déclaration a eu un poids important, certainement plus important que ce qu’on peut penser. Il fallait qu’une parole forte soit dite pour qu’un « non » devienne possible.
Ensuite, nous avons présenté à quelques journalistes, ainsi qu’à des neurologues, à des médecins de trauma crânien la deuxième vidéo de Vincent Lambert. Une vidéo qui n’a jamais été publiée. Le 15 juillet, les parents de Vincent Lambert ont souhaité montrer la vidéo, au docteur Simon qui n’a pas voulu la regarder.
Quel était le contenu de cette vidéo ?
La vidéo a été tournée du 12 au 17 juin dernier par les parents et le frère de Vincent. Elle montre Vincent en train d’avaler de l’eau sans difficulté, de la compote, un flan à la vanille. Les signes qu’il manifeste à cette occasion, montrent qu’il ne s’agit pas de reflexes mais d’actes volontaires, que Vincent interagit avec son environnement.
Pourquoi avez-vous présenté cette vidéo ?
Nous avons demandé à des médecins, des neurologues et des médecins rééducateurs qui dirigent des unités spécialisées importantes de patients pauci-relationnels, de nous dire ce qu’ils voyaient et ce qu’ils pouvaient analyser. Et les réponses ont été unanimes. Ils ont dit que la vidéo ne montrait pas les images d’une personne en état végétatif. La vidéo montre quelqu’un qui a des relations avec son entourage, en état de conscience minimale ou, autrement dit, en état pauci-relationnel. Vincent a fait des progrès importants depuis l’expertise médicale demandée par le Conseil d’Etat, ses capacités de déglutitions sont meilleures. Son état de santé s’est amélioré alors même que rien n’a été fait, que le personnel médical était démissionnaire, que personne ne s’intéressait à ses progrès, et qu’il n’était pas stimulé, ce que ses parents s’attachent à faire depuis 2 ans. Si nous avions dû déposer le référé, nous étions convaincus que le tribunal aurait annulé la décision du docteur Simon.
Quelles sont maintenant les prochaines étapes ?
Tout d’abord, il faut dire que la procédure collégiale est terminée. Il ne se trouvera désormais plus aucun médecin pour la relancer au CHU de Reims. Nous allons maintenant nous battre pour que Vincent soit transféré et nous espérons que ces mesures vont contribuer à apaiser le climat familial et que chacun pourra petit à petit ouvrir les yeux sur la situation médicale de Vincent. Il y a encore toute une partie de la famille qui est aveuglée par les affirmations du Dr Kariger et des autres médecins du CHU.
Est-ce que cette décision n’est pas encourageante pour toutes les paersonnes qui, comme lui, sont grands handicapés ?
C’est un grand espoir, et l’histoire de Vincent devrait servir de leçon. Il faudrait que les députés se penchent vraiment sur la façon dont Vincent Lambert a été traité. Dans ce cas, la loi Leonetti n’a pas joué son rôle ! Les médecins ont fait ce qu’ils ont voulu parce que la loi ne prévoit aucun garde fou.
Aujourd’hui, une nouvelle loi, la proposition de loi Claeys-Leonetti est en débat, et je pense qu’il faudrait réfléchir à la façon dont les procédures collégiales sont engagées et menées. Peut-être faudrait-il proposer la création d’une commission d’enquête parlementaire sur ce sujet ? Je serai très intéressé. Je voudrais dire la réalité de ce qui s’est passé et faire part des dysfonctionnements dont j’ai été témoin. Il suffit de peu de choses pour améliorer la loi Leonetti de 2005 qui, par bon nombre d’aspects, est bonne. Mais la procédure de décision collégiale est clairement à réformer, la décision de ce soir est bien la preuve que ça ne fonctionne pas bien.
Pour consulter le communiqué de presse des avocats de Vincent Lambert, cliquez ici.
A venir dans l’après midi ici, l’interview du professeur Xavier Ducrocq, médecin conseil des parents de Vincent Lambert, qui réagit à la décision du CHU de Reims.