L’interruption volontaire de grossesse: libéralisation en cours au Parlement

Publié le 29 Jan, 2014

Si les lobbys féministes ont été freinés au niveau européen, grâce à la mise en échec du rapport Estrela (1), c’est maintenant au tour de la France de subir leurs pressions en faveur de l’avortement. Les députés débattront le 20 janvier 2014 d’un projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes qui contient des dimensions visant à faire de l’avortement un droit.

 

Le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes

 

Alors que le Titre I du projet de loi, porté par Najat Vallaud Belkacem, est consacré à l’égalité dans la vie professionnelle, il contient trois dispositions qui visent à inscrire un droit à l’avortement, à étendre le délit d’entrave de l’IVG à l’information, et tendent à installer un droit à disposer de son corps.

 

Un « droit » à l’interruption volontaire de grossesse

 

L’article 5 quinquies C du projet de loi vient déconstruire la loi Veil en supprimant la condition « de détresse » de la femme enceinte, nécessaire pour pratiquer une IVG. Si cet article est adopté, une femme qui ne veut pas poursuivre sa grossesse pourra l’interrompre sans invoquer un état de détresse. Cette modification est justifiée par le fait que : “l’IVG conserve encore son statut de dérogation […]. [Cette insertion] affirme le droit des femmes de choisir et de disposer de leurs corps”. Mais cette nouvelle formule, opèrerait un changement de régime juridique majeur.

Il s’agit d’un “véritable bouleversement” explique Bertrand Mathieu, constitutionnaliste (2). Car l’IVG n’est pas un droit mais bien une dérogation sous condition au principe d’ordre public de protection de l’être humain dès le commencement de sa vie (article 16 du code civil), condition essentielle à la cohérence du droit français. Cela légitimera aussi la logique de l’avortement eugéniste, puisqu’« il n’y aura plus aucune condition mise au droit de recours à l’avortement au cours des 12 premières semaines un délai durant lequel on dispose d’un nombre croissant d’informations sur le fœtus au travers du diagnostic prénatal » alerte B. Mathieu. Il s’agit ici de la sélection de l’enfant à naître en fonction de son génome ou de son sexe, ce qui amplifierait les dérives eugénistes déjà constatées dans le cadre de l’interruption médicale de grossesse. Eriger un « droit d’interrompre sa grossesse »
soumis à la seule volonté de la femme créerait un conflit de norme avec l’article 16 du code civil et serait source d’insécurité juridique.

 

L’extension du délit d’entrave de l’avortement à l’information.

 

L’article 5 quinquies du projet de loi prévoit que le délit d’entrave (3) serait constitué par le fait « d’empêcher […] de s’informer » sur une IVG ou « en exerçant des pressions morales et psychologiques […] à l’encontre […] des femmes venues […] s’informer » sur une IVG.

 

Cette disposition vise les plateformes d’écoute et sites internet d’information spécialisés dans l’accompagnement des femmes vivant mal leur grossesse, qui se verront dans l’obligation d’informer sur l’IVG. Il faut craindre que cela ait pour effet de sanctionner toutes informations qui alerteraient sur les conséquences psychologiques voire physiques de l’IVG chez la femme. La liberté d’expression serait alors définitivement supprimée sur le sujet. Cette analyse est confirmée par la Ministre du droit des femmes qui soulignait que : « [Le gouvernement] ne tolérera aucune entrave à ce droit essentiel [de l’IVG]. […] Or si le délit d’entrave est efficace pour éviter les entraves physiques, il fallait l’étendre aussi aux pressions morales et psychologiques à l’encontre de celles qui vont s’informer. […] Il s’agit de sanctionner également le fait d’empêcher de « s’informer » sur l’IVG… »(4).

 

L’installation silencieuse d’un droit à disposer de son corps

 

L’article 5 quinquies B du projet de loi vise à remplacer le titre de la 2e partie du code de la santé publique qui traite de l’avortement, de la procréation médicalement assistée (PMA), de la recherche sur l’embryon, des diagnostics anténataux… Le titre actuel « Santé de la famille, de la mère et de l’enfant » deviendrait « Santé reproductive, droits de la femme et protection de la santé de l’enfant ». Ce changement de terminologie aurait pour conséquence de supprimer la notion de famille et de consacrer les seuls droits de la femme. Cela sous-entend que la femme pourrait choisir quand elle souhaite interrompre sa grossesse ou quand et comment elle souhaite avoir un enfant. Cela renforcerait l’idée de la PMA de convenance, de la vitrification ovocytaire de convenance, de l’accès à ces techniques pour les personnes homosexuelles, ou célibataires. Il s’agirait d’une assimilation d’un « droit à disposer de son corps » par le droit français.

Mais la menace est d’autant plus forte que ce prétendu « droit à disposer de son corps » pourrait être expressément intégré au droit français. En effet un amendement déposé en Commissions et retiré avant discussion visait à intégrer comme dispositions générales l’article suivant : « Le droit des femmes à disposer de leur corps, à accéder à la contraception, et à demander une interruption volontaire de grossesse, est garanti par la loi ». Cet ajout, qui pourrait bien être à nouveau présenté en séance publique à partir du 20 janvier 2014, vise à instaurer de nouveaux droits, encore inscrits nulle part, ni dans le droit international ou européen, ni dans le droit français, ce qui génèrera des obligations, notamment pour les professionnels de santé, pour garantir la mise en œuvre de ces droits.

 

1. Le rapport Estrela était le fruit de revendications féministes et visait à instaurer un droit à l’avortement, un droit à disposer de son corps, la limitation de l’objection de conscience, ouvrir la procréation médicalement assistée… Une résolution alternative, qui affirme que ces questions ne relèvent pas de la compétence de l’Union européenne mais de celle des Etats membres, a remporté la majorité des votes. Voir communiqué de presse de la Fondation Lejeune du  10 décembre 2013 ;

2. Interview de Bertrand Mathieu Va-t-on vers une banalisation de l’avortement ? La Croix le 20 décembre 2013 ;

3. Article L 2223-2 du code de la santé publique ;

4. (Discours intégral : http://femmes.gouv.fr/remise-du-rapport-du-hce-sur-linterruption-volontaire-de-grossesse/#more-8076).

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