« L’intelligence artificielle n’a rien à voir avec celle des humains »

Publié le 2 Fév, 2021

« L’intelligence artificielle (IA) n’a rien à voir avec celle des humains » affirme Laurence Devillers professeur à la Sorbonne et membre du Comité pilote d’éthique du numérique, dans un entretien pour le journal La Croix. « Elle n’a pas d’intelligence émotionnelle, ni d’intelligence collective, pas de culture, de corps. » Et même si « certaines tâches qu’accomplissent les IA peuvent être qualifiées d’intelligentes », « les IA actuelles sont bien loin de l’intelligence humaine ou animale et elles ont moins de sens commun qu’un chat de gouttière » abonde Yann Le Cun, directeur de la recherche sur l’intelligence artificielle chez Facebook. Mais selon lui, « dans plusieurs décennies ou siècles, elles atteindront le niveau des humains ».

« Recréer un humain », le « grand fantasme »

« Ne confondons pas le marketing et les probabilités scientifiques réelles » tempère Laurence Devillers. « Les cerveaux humains contiennent des architectures bien plus complexes que celles sur lesquelles on base les IA. Et on ne sait pas les reproduire. » « Recréer un humain, c’est le grand fantasme, poursuit-elle. On pourra toujours aller plus loin, mais il manquera toujours quelque chose de vivant, de physiologique. Ça n’a pas de viscères, un système. Pas de chair. »

Pour Yann Le Cun, un système conçu qui « s’entraîne tout seul à partir des données fournies » est « capable de choses beaucoup plus complexes que ce qu’un ingénieur aurait pu concevoir ». Mais Laurence Devillers tempère à nouveau : « Ces machines manquent fondamentalement de sens commun et de raisonnement sur ce qu’est le commun ». Finalement « la machine se contente d’appliquer des formules mathématiques écrites par l’homme, en suivant des architectures neuronales dessinées par l’homme. Il ne faut pas confondre intelligence et puissance de calcul ».

Des risques pour l’homme ?

Même si elle approuve le recours à l’intelligence artificielle pour l’aide à la décision, Laurence Devillers interroge : « Risquons-nous de devenir moins intelligents si on délègue aux machines beaucoup de nos décisions ? ». Et au contraire de Yann Le Cun, elle les croit incapables d’émotions même demain. « Il faudrait faire un bond technologique majeur dans la connaissance du vivant. Comment ça se reproduit, une conscience ? On ne sait pas le faire. »

« La technologie est neutre, estime Yann Le Cun ; ce qu’on en fait ne l’est pas, et c’est aux gouvernements de s’en assurer ». Mais là encore Laurence Devillers est en désaccord : « On entraîne les IA à partir de jeux de données que l’on a choisis, ce n’est pas neutre. »

 

Source : La Croix, propos recueillis par Audrey Dufour et Alice Le Dréau (01/02/2021)

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