« L’homme reçoit de la nature un “cadeau”, son chromosome Y »

Publié le 3 Mai, 2024

Après Homme, Femme, ce que nous disent les neurosciences, le professeur René Ecochard signe un nouvel ouvrage, pédagogique et très richement référencé, avec lequel il nous emmène à la découverte du rôle du chromosome Y : Ce que l’homme doit à son chromosome Y, les révélations des neurosciences. A cette occasion il a accepté de répondre aux questions de Gènéthique.

 

Gènéthique : Pourquoi avoir dédié un livre au chromosome Y ? Quelle est sa spécificité ?

René Ecochard : L’homme reçoit de la nature un « cadeau », son chromosome Y. Ce livre révèle ce que contient ce cadeau. Il semble tellement important que les hommes connaissent leurs potentialités innées ! Si aujourd’hui la richesse des dons spécifiquement féminins pour la vie de la société tout autant que pour la vie familiale est largement reconnue, il est temps maintenant de faire mieux connaître tout le potentiel spécifique de l’homme. Si l’homme connaît les dons particuliers dont il dispose biologiquement en termes d’aptitudes et d’inclinations, il pourra s’en saisir pour les mettre au service non seulement de son épanouissement, mais aussi et surtout de celui de sa famille et de la société.

G : Vous affirmez que le chromosome Y est « un chef de chantier ». Comment agit-il sur les autres chromosomes ?

RE : Le chromosome Y active ou inactive certains gènes des autres chromosomes. Il a ainsi un impact très important sur tous les organes, dont le cerveau, induisant par là une différenciation de l’action des gènes en fonction du sexe. Ainsi, par exemple, plus de 2 000 gènes ont une activité différente entre hommes et femmes au centre du cerveau limbique (émotionnel). C’est par ce mode opératoire que le chromosome Y, dès la vie intra-utérine, a fait travailler les gènes qui ont provoqué la formation des testicules. C’est aussi son action sur d’autres chromosomes qui va induire chez l’homme des caractéristiques masculines physiques (par exemple une carrure plus large que celle de la femme) ou psychiques (impact sur le comportement).

G : Vous évoquez également le rôle de l’épigénétique. Quels sont les travaux principaux et les perspectives en la matière ?

RE : L’épigénétique décrit ce qui, dans les chromosomes, concerne les autres aspects que les gènes eux-mêmes. Les gènes sont les « moules » qui permettent de produire notamment les protéines, par exemple les enzymes nécessaires à la fabrication de la testostérone ou d’autres hormones. L’épigénétique décrit ce qui fait qu’un gène est actif ou au repos. Cela est dû à des marques déposées sur les gènes eux-mêmes ou sur le reste du chromosome, de la conception à la vie adulte, pour activer ou freiner l’action des gènes. Ces marques vont permettre d’adapter l’action des gènes aux temps de la vie, car les besoins d’un fœtus dans le ventre de sa mère, d’un nouveau-né, d’un enfant, d’un adolescent, d’un adulte sont différents. De même, des marques épigénétiques régulent l’activité hormonale, celle du cerveau comme du reste du corps, pour s’adapter aux besoins hormonaux de la personne, qui varient en fonction de sa situation (célibataire, marié, avec ou sans enfants). Enfin, l’épigénétique va participer à l’adaptation de la personne à son environnement de vie, pour renforcer les aptitudes qui lui sont adaptées.

G : Capacité à relever des défis, à analyser, difficultés à exprimer ses émotions, goût pour la liberté… Ces traits masculins peuvent être présentés comme des « stéréotypes de genre ». Ont-ils en fait un fondement biologique ? Cela prévaut-il sur l’influence sociétale et culturelle en la matière ?

RE : Ce qu’on appelle les stéréotypes de genre, c’est l’ensemble des dons reçus par notre nature pour remplir nos missions complémentaires d’homme et de femme. Etant mammifères, nous avons des missions complémentaires et des potentialités complémentaires. Nous les recevons de notre nature en vue du bien commun : le développement des enfants, mais aussi de la société.

Bien entendu, la culture participe au façonnement de notre être, ainsi que notre liberté, car les actes que nous posons nous façonnent, mais cela se fait à partir d’une donnée biologique. Lorsque nous nous investissons dans notre vie familiale, nous développons le potentiel que la nature a mis en nous. Ainsi, par exemple, les neurosciences révèlent la modification du cerveau du père lorsqu’il prend soin de ses enfants.

G : Peut-on dire que le chromosome Y modèle le cerveau de l’homme ? Comment est-ce possible ?

RE : Le chromosome Y agit directement, par sa présence dans chaque cellule du cerveau, les neurones, mais aussi dans les cellules qui entourent ceux-ci et modifient leur activité. Le chromosome Y agit aussi par l’intermédiaire des sécrétions hormonales, en particulier celle de la testostérone, qui est son adjoint.

Le chromosome Y et la testostérone agissent sur le cerveau au long cours, de la conception à l’âge adulte, en lui donnant une structure masculine, notamment au niveau de l’amygdale cérébrale et de l’hippocampe. Ils agissent également au quotidien, par exemple en freinant les communications entre cerveau rationnel et cerveau émotionnel.

Ceci se traduit par exemple par le goût de l’homme pour la globalité plus que pour les détails, pour chercher une solution plus que pour consoler, une plus grande facilité que la femme à prendre une décision en mettant de côté ses émotions, etc.

G : L’analyse de toutes ces recherches liées à l’influence du chromosome Y conduirait-elle finalement à conclure à la complémentarité fondamentale entre l’homme et la femme ?

RE : Oui vraiment ! Le masculin et le féminin sont deux choses : source de bien des beautés de notre monde et potentiel de complémentarité.

Source de bien des beautés. Un article neuroscientifique présentant les différences entre l’homme et la femme commençait ainsi : « Sans le sexe, une grande partie de ce qui est flamboyant et beau dans la nature n’existerait pas. Les plantes ne fleuriraient pas. Les oiseaux ne chanteraient pas. Les cerfs n’auraient pas de bois. Les cœurs ne battraient pas aussi vite »[1]. La différence homme-femme participe à cette magnificence. Elle concerne le cerveau, et donc le psychisme, comme le reste du corps.

Potentiel de complémentarité. La connaissance des différences entre les sexes est source de respect et de meilleure compréhension de chaque personne, dépositaire d’une commune nature humaine, mais colorée par son potentiel unique reçu de son génome d’homme ou de femme. Ensemble, l’homme et la femme peuvent développer une vie familiale et sociale plus harmonieuse, une véritable écologie humaine.

 

[1] T. M. Williams, S. B. Carroll, Genetic and molecular insights into the development and evolution of sexual dimorphism. Nat. Rev. Genet. 10, 797–804 (2009)

René Ecochard

René Ecochard

Expert

René Ecochard, marié avec Isabelle, ils ont 4 enfants et 15 petits-enfants Médecin, épidémiologiste, professeur Emérite de l’Université Claude Bernard à Lyon (France) Il est titulaire d’une thèse de biostatistique et démographie à Cambridge (Grande Bretagne) Spécialiste de la biologie de la reproduction, il est co-auteur de 30 articles scientifiques dans ce domaine et au total de 275 articles. Il a participé au développement de la Fédération Africaine d’Action Familiale. Avec son épouse, il travaille à la promotion d’une écologie humaine. Ils ont écrit notamment le Petit Manuel d’Ecologie Humaine aux éditions du Centurion, du livre Intimité, sexualité, fécondité chez Tequi et en 2022 de l’Encyclopédie sur la sexualité humaine, l’amour et la fécondité chez Tequi. Il est responsable à l’Université Claude Bernard de la formation Restauration de la Fertilité destinée en particulier aux médecins et aux sages-femmes. Depuis trois ans il se consacre aux fondements neuroscientifiques de l’anthropologie et a publié en 2022 le livre Homme, Femme, ce que nous disent les neurosciences, chez Artège.

Partager cet article

Textes officiels

Fiches Pratiques

Bibliographie

Lettres