Marie-Amélie Le Fur, championne paralympique d’athlétisme, médaillée au JO de Rio « met en garde contre la tentation de trop vouloir instrumentaliser le corps ». Elle court avec une lame à la place de sa jambe gauche, une prothèse qui la rend particulièrement attentive aux « évolutions de la science ».
Pour cette sportive de haut niveau, « la limite, c’est le bon sens » dans la recherche sur l’amélioration des performances : « Cela ne sert à rien de vouloir pallier un handicap pour être plus fort qu’avant. Est-ce que je serais plus forte si j’avais toujours mes deux jambes ? Je n’en sais rien. Mais il est probable que je n’aurais peut-être jamais accepté les sacrifices que j’ai acceptés, jamais eu cette volonté de me battre. Le matériel ne sublime pas encore l’humain. Et en tout cas il ne supplante pas le membre manquant. Il faut s’arrêter lorsqu’on sent que l’on a retrouvé 100% de ses capacités de base ».
Consciente des risques de l’ « humain augmenté », elle rappelle que « les techniques ne doivent pas servir à augmenter les performances mais à protéger le corps ». Elle constate avec inquiétude le changement de regard sur les porteurs de prothèses : « Avant (…), les gens disaient de moi ‘Elle s’en sort bien avec sa prothèse’ ». Aujourd’hui, « il y a plus de ressentiment », les gens pensent : « De toute façon, avec sa prothèse, c’est plus facile ».
Son témoignage appelle à la prudence : « Je me suis parfois demandé jusqu’où j’étais prête à aller. Le transhumanisme me fait peur. A trop vouloir instrumentaliser le corps, on dérive. Saura-t-on contrôler la machinerie que l’on peut nous mettre sur le corps ? Pas sûr ».
Le Monde, J-P.GO (16/11/2016)