Les politiques et la bioéthique

Publié le 13 Déc, 2010

La Croix publie un article montrant que les divergences de points de vue en matière de bioéthique ne recoupent pas les clivages entre les partis. Le 14 décembre 2010, le bureau national du Parti socialiste se prononcera sur les différents sujets du projet de loi de bioéthique : recherche sur l’embryon, légalisation ou non de la gestation pour autrui (GPA), levée de l’anonymat des dons de gamètes, ouverture de l’assistance médicale à la procréation, etc. Bien que le texte du projet de loi reflète une "certaine prudence", "rien n’est joué" tant que l’examen parlementaire n’a pas eu lieu.

Des lignes de fractures sont globalement repérables: la gauche est déterminée à suivre les évolutions de la société et de la science et souhaite répondre à des demandes sociales nouvelles comme l’homoparentalité ou la gestation pour autrui. La droite se montre favorable au modèle traditionnel de la famille et souhaite que l’assistance à la procréation reste réservée au seul traitement de l’infertilité. Toutefois, ce schéma ne dit pas tout à fait la réalité, les questions de bioéthique donnant lieu à des clivages au delà des partis politiques. La question des mères porteuses en est une illustration : elle a entrainé des dissensions au sein de la gauche, certains voulant leur légalisation comme la sénatrice Michèle André ou le think tank Terra Nova tandis que d’autres, comme Michel Rocard, Lionel Jospin ou Benoît Hamon ont dénoncé la régression que représente la gestation pour autrui dans un texte intitulé "Mères porteuses, extension du domaine de l’aliénation" (Cf. Synthèse de presse du 23/11/10). A droite, cette question de la GPA avait, en juin 2008, opposé Nadine Morano et Christine Boutin, la première se déclarant pour et l’autre contre. Le député UMP Hervé Mariton estime toutefois que le positionnement libéral que Nadine Morano incarne à droite est "marginal". La levée de l’anonymat du don de gamètes crée aussi des désaccords : Roselyne Bachelot s’est prononcée pour mais Jean Leonetti s’y oppose. Une part importante du PS le rejoint dans ce choix mais certains comme Alain Claeys veulent l’accès aux origines autorisé. La question de la recherche sur l’embryon enfin suscite des oppositions. Alain Claeys souhaite à ce sujet un régime d’autorisation ; il est suivi à droite par Jean-Sébastien Vialatte et par Jean Leonetti qui estime que la recherche sur l’embryon est bridée (Cf. Synthèse de presse du 08/11/10). Pour Hervé Mariton, les élus de droite demeurent pour la plupart attachés au respect de l’embryon humain et à l’interdiction de principe de la recherche : il souligne que cette position dépasse le courant catholique et "marque encore une forte césure droite-gauche" .

De façon générale, la mobilisation des parlementaires sur les sujets bioéthiques tient surtout à l’engagement de quelques-uns. Selon le député socialiste Serge Blisko, même si la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de bioéthique a attiré un grand nombre de députés de tous milieux politiques, "les élus qui font un vrai travail de fond sur ces sujets complexes restent assez rares". Le sénateur centriste Claude Huriet, professeur de médecine, fut l’un des premiers à s’engager dans la préparation des premières lois de bioéthique en 1994 avec le député et généticien Jean-François Mattei. Il évoque la difficulté du travail sur les questions bioéthiques qui touchent à des valeurs fondamentales : "la réflexion éthique doit alimenter le droit, mais, à un moment donné, il faut bien passer de la réflexion à la loi et, là, dans la plupart des cas, il s’agit de faire un choix entre deux solutions également insatisfaisantes". Il souligne aussi le risque pour les élus de fuir leur responsabilité en laissant d’autres instances s’occuper de ces questions, comme l’Agence de la biomédecine ou le CCNE.

Pour le Père Matthieu Rougé, directeur du Service pastoral d’études politiques, on assiste depuis quelque temps à une "reconquête politique" des sujets bioéthiques. Ceux-ci ne doivent pas être abandonnés à des "spécialistes" : "la démocratie n’est pas le gouvernement des experts, mais une prise en charge par toute la société de sa responsabilité éthique". Face aux revendications d’une liberté de recherche plus grande qui cache les ambitions financières de certains, la vraie liberté réside dans le "courage de choisir ce qui correspond au vrai bien de toute la société, en particulier des plus fragiles".

Le projet de loi de bioéthique doit être discuté à partir du 8 février 2010 à l’Assemblée nationale.

La Croix (Marine Lamoureux, Bernard Gorce, Michel Verrier) 13/12/10

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