Le 17 janvier, le journal le Monde publiait une tribune de 110 signataires[1] « visant à entrouvrir la porte légale à la pratique de la gestation pour autrui ». Les auteurs souhaitent que le débat qui s’ouvre aujourd’hui avec les Etats généraux de la bioéthique, aborde la question de la GPA « définie comme ‘une des techniques d’assistance médicale à la procréation’ ». Trois idées sont défendues :
- le constat qu’en France, des « milliers » d’enfants sont nés de cette pratique et devrait bénéficier d’une « transcription intégrale à l’état civil français » de leur filiation établie à l’étranger.
- l’appel à lutter contre « les dérives de la GPA et les mafias qui en profitent » par le biais d’une convention internationale.
- la revendication d’un débat sur la GPA à l’occasion de la révision de la loi de bioéthique, s’appuyant sur « le témoignage des personnes concernées » et dénigrant les « adversaires les plus acharnés » de la GPA, définis « comme ceux qui se sont souvent opposés naguère à la contraception, à l’interruption volontaire de grossesse, à la procréation médicalement assistée ».
Enfin les signataires mentionnent des sondages montrant que « l’opinion publique est prête » à cette « réforme urgente sur la transcription de la filiation ».
Pour Jean-Yves Nau, journaliste et docteur en médecine, la critique des opposants à la GPA « fragilise le propos », car « ils oublient de rappeler l’opposition exprimée par Emmanuel Macron ainsi que les arguments évoqués par le Comité consultatif national d’éthique qui, dans son dernier avis, s’est une nouvelle fois opposé à cette pratique », en rappelant les principes qui justifient la prohibition de la GPA : « respect de la personne humaine, refus de l’exploitation de la femme, refus de la réification de l’enfant, indisponibilité du corps humain et de la personne humaine ».
L’association Juristes pour l’Enfance a également réagi à cette tribune, qu’elle juge « mensongère ». La revendication d’une transcription intégrale de la filiation, au nom des enfants, « ne rend service qu’aux adultes, mais en revanche, elle permet de fermer les yeux sur la violation des droits de l’enfant qui résulte de la GPA ». En outre, ces enfants ne sont pas des « fantômes » : ils « ont un acte de naissance, dressé dans leur pays de naissance, et la filiation indiquée par cet acte de naissance est et a toujours été reconnue par la France ». De fait « ces personnes désignées comme parents exercent leur autorité parentale, vivent et éduquent leurs enfants » et même « intentent des actions de justice » au nom de leurs enfants. Aude Mirkovic, juriste et porte-parole de l’association, s’indigne également de la mention de sondages favorables à la GPA, et propose de poser la question en d’autres termes : « Trouvez-vous normal que la justice ignore la violation des droits de l’enfant résultant de la GPA ? Savez-vous que la transcription intégrale de l’acte de naissance de l’enfant efface toute trace de la GPA, et que les parents obtiennent ainsi la caution de ce qu’ils lui ont fait subir ?[2] », gageant que la réponse serait différente. Enfin, l’association explique que l’encadrement de la GPA par une convention internationale comme le propose les auteurs de la tribune est une mesure « illusoire et encore mensongère car le ‘seul moyen de lutter contre les situations où la dignité des femmes et la sécurité des enfants ne sont pas respectées’ est l’éradication de la GPA ».
[1] Les premiers signataires de ce texte sont : Michèle André (sénatrice honoraire, ancienne secrétaire d’Etat), Elisabeth Badinter (philosophe), Laurence Brunet (juriste), Geneviève Delaisi de Parseval (psychanalyste), Annie Ernaux (écrivaine), Anne Fagot-Largeault (professeure émerite au Collège de France), Maurice Godelier (anthropologue), Martine Gross (sociologue), Michael Grynberg (gynécologue obstétricien), Christophe Honoré (cinéaste), Dominique et Sylvie Mennesson (coprésidents de l’association Clara), Jacques Milliez (membre de l’Académie nationale de médecine), Alain Milon (sénateur LR du Vaucluse), Israël Nisand (gynécologue obstétricien), François Olivennes (gynécologue obstétricien), Michelle Perrot (historienne), Laëtitia Poisson-Deleglise (présidente de l’association MAIA), Muriel Robin (humoriste et comédienne), Pierre Rosanvallon (professeur au Collège de France), Elisabeth Roudinesco (historienne de la psychanalyse), Alfred Spira (membre de l’Académie nationale de médecine), Irène Théry (sociologue) et Alexandre Urwicz (président de l’Association des familles homoparentales).
[2] « L’absence de transcription ne prive les enfants d’aucun droit, et si elle emporte une gêne dans les démarches administratives, cette contrainte ne concerne que les parents car on n’a jamais vu un enfant produire lui-même son acte de naissance ».
Le Monde (16/01/2018); Jean-Yves Nau (17/01/2018); Juristes pour l’enfance (17/01/2018)