Les tests de paternité sont de plus en plus en vogue sur Internet. Interdit en France, cette pratique permet aux pères de connaître avec certitude leurs liens de filiation biologique. Il existe des dizaines de laboratoires suisses, anglais, allemands ou néerlandais qui proposent leurs services via Internet, pour un coût variant de 150 à 400 euros.
Mais on peut s’interroger sur les conséquences de cet examen pour les enfants et leurs familles. Jean-Jacques Cassiman, directeur du Centre de génétique humaine de l’université de Louvain, estime que les conséquences de cet accès à la vérité biologique risque d’être aux antipodes de "la paix de l’esprit" et de "la fin des troubles émotionnels" promis par les sociétés. "Si problème il y a, le recours aux tests ADN ne fera que le déplacer, voire l’amplifier", ajoute-t-il.
Sophie Marinopoulos, psychologue et psychanalyste à la maternité du CHU de Nantes, craint que, par ces tests, le lien biologique soit de plus en plus valorisé : "dans une société anxiogène comme la nôtre, qui ne sait plus très bien définir ce qu’est la famille, il peut être tentant de chercher son identité à travers son ADN. Le problème c’est que ce n’est pas l’appartenance biologique qui fait la filiation…". Aujourd’hui en effet, il est difficile de faire coïncider la transparence biologique et les nouvelles structures familiales : familles recomposées, homoparentalité, adoptions, procréation assistée (don de sperme, transfert d’embryon, mères porteuses). Par ailleurs, on peut s’interroger sur le poids symbolique et juridique de ces tests.
Didier Sicard redoute que ces tests ne survalorisent la paternité biologique : "si le recours à ces tests se banalise, la filiation biologique risque de prendre une importance démesurée. Alors qu’elle est parfois tellement pauvre, dans les faits, par rapport à la filiation sociale… ".
Il convient aussi de s’interroger : en cas de conflit, quel « père » l’emportera sur l’autre ? Le droit devra sans doute jouer un rôle majeur sur ces questions. Sera-t-il amené à renforcer la filiation sociale afin de protéger les intérêts de l’enfant ?
On imagine aujourd’hui que ce test pourra se faire in utero. Grâce à la présence des cellules fœtales circulant dans le sang maternel, on pourra l’effectuer dès le 3ème mois de grossesse. Verrons-nous alors des mères choisir de garder leur enfant selon le père désigné par le test ?
Le Monde (Catherine Vincent) 01/10/07