L’embryon peut-il être un matériau de recherche ?

Publié le 21 Nov, 2006

Le quotidien La Croix consacre son dossier "Sciences et éthique" à la recherche sur l’embryon.

Pour la journaliste Marianne Gomez de La Croix, les cellules souches embryonnaires "pourraient aussi déboucher plus tôt que prévu sur le traitement de maladies graves". Elle s’appuie sur les déclarations du Pr Marc Peschanski, mis à l’honneur dans ce dossier, qui travaille sur un projet de thérapie de la maladie de Huntington à partir de cellules souches embryonnaires. Depuis 2003, le Pr Peschanski travaille en collaboration avec l’AFM et en 2004 s’est installé avec son équipe au Généthon d’Ivry pour encadrer l’Institut I-Stem. Focalisés sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires, les chercheurs d’I-Stem ne travaillent pas sur les cellules souches adultes. Le chercheur Anselme Perrier explique : "la question ne se pose pas. Nous, les chercheurs, nous sommes pragmatiques. Or autant l’on sait que la piste des cellules souches embryonnaires est valide, car on dispose d’une pile de travaux scientifiques sur la question, autant il n’y a presque rien sur les cellules adultes".

Pour un certain nombre d’observateurs, le principe de la recherche sur l’embryon est incompatible avec les principes éthiques fondateurs, notamment celui de la dignité de la personne humaine.

Mireille Delmas-Marty, professeur au Collège de France, explique que le principe de la dignité repose sur "la connaissance d’une valeur (…) qui exclut toute instrumentalisation de l’être humain", et de ce fait de l’embryon humain.

Bertrand Mathieu, professeur de droit à Paris I, montre que, jusqu’à maintenant, le législateur a réaffirmé les principes éthiques tout en proposant des dérogations. Il remarque qu’"aujourd’hui, la dérogation s’étend au point de devenir la règle ! Cela pose la question de savoir si l’on veut rompre avec nos principes et considérer que l’embryon est un pur matériau".

Valérie Pecresse, député UMP des Yvelines, rapporteur de la loi de bioéthique, estime que "le principe de dignité doit être soumis à interprétation, comme tous les principes, et être confronté aux réalités de la société dans laquelle on vit. Il doit se comprendre au regard d’autres impératifs, comme l’intérêt général". Pour Valérie Pecresse, l’enjeu est : "un agrégat de cellules" peut-il être utilisé au "bénéfice de la santé" ?

Claude Sureau, gynécologue, président honoraire de l’Académie de médecine, reconnaît à l’embryon un "caractère indéniablement humain" mais considère que si "l’embryon a un droit à l’existence", "ce droit n’est pas absolu. Il passe après, par exemple, le bien-être de l’humanité". Claude Sureau, pour qui le principe de dignité doit être mis en balance avec celui de la compassion, est, de ce fait, favorable au clonage thérapeutique.

Catherine Labrusse-Riou, professeur de droit à Paris I, sonne le signal d’alarme sur le "processus de production de l’humain" que notre société est en train de mettre en œuvre. Elle prévient : "il s’agit d’une rupture profonde aux conséquences incalculables. Car si l’on est produit, on n’est plus libre, et la vie devra alors se justifier par la qualité qu’elle présente. C’est très grave".

Mgr Pierre d’Ornellas, évêque coadjuteur de Rennes, rappelle que l’Eglise approuve la recherche sur l’embryon à des fins thérapeutiques pour l’embryon lui-même et défend la dignité des plus petits, "si impuissants devant l’apparence toute-puissance de la science". Notre devoir d’homme est de respecter l’embryon "comme une personne dès le premier instant de son existence" (Donum Vitae). Mgr d’Ornellas rappelle que ce devoir s’impose en particulier aux scientifiques : "Tous ont été des embryons. Ils reconnaissent qu’il eut été criminel de faire des recherches sur eux en menaçant leur intégrité ou leur vie, et remercient ceux qui ont agi avec humanité à leur égard quand ils étaient ces plus fragiles". Mgr d’Ornellas poursuit : "que chacun se souvenant de ce qu’il a été, soit frère en humanité des plus fragiles, les embryons" quelque soit leur mode de conception. Il considère que c’est notre part d’inhumain qui nous conduit à détruire l’embryon, "le plus fragile des humains". Enfin, il conclut : "notre extraordinaire connaissance de l’embryon est un appel : apprenons à vivre avec pleine humanité ! L’embryon, présent au milieu de nous, est un cri lancé à nos sociétés pour qu’elles soient plus humaines".

La Croix (Marianne Gomez) 21/11/06

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