Le mois prochain, des chercheurs, décideurs politiques, éthiciens et spécialistes des sciences sociales se réuniront à Hong Kong pour le deuxième sommet international sur la modification du génome humain, notamment à l’aide de CRISPR. Le premier sommet avait eu lieu il y a trois ans à Washington. Depuis, les recherches ont continué et les préoccupations éthiques demeurent, ainsi que les enjeux économiques et environnementaux.
Dans un article de Nature, Shobita Parthasarathy de l’université du Michigan propose aux gouvernements d’utiliser le système des brevets pour orienter le déploiement de CRISPR Cas9, méthode qui a déjà fait ses preuves dans la règlementation des nouvelles technologies et de la recherche selon elle.
Plusieurs états ont émis des recommandations concernant l’utilisation de CRISPR, mais aucune n’ont encore été traduites dans des cadres juridiques. Le professeur Parthasarathy présume que de telles lois pourraient ne jamais voir le jour au regard de l’histoire de la règlementation des biotechnologies émergentes. Les pays s’appuient donc pour le moment sur des lois et des politiques traitant des technologies de génie génétique existantes. Mais elles sont insuffisantes[1] et problématiques dans le contexte d’édition du génome, car CRISPR Cas9 promet un impact sociétal bien plus important.
En quoi les brevets pourraient-ils être une solution ? Ces instruments juridiques, qui donnent aux inventeurs le droit d’empêcher les autres de commercialiser leurs technologies, sont généralement considérés comme des contrats incitant à l’innovation. Mais pour Shobita Parthasarathy, ces brevets ont d’autres actions : ils permettent de contrôler l’accès aux technologies par l’instauration d’un monopole ; ils peuvent encore avoir un effet sur les trajectoires d’innovation, car ils sont la marque d’une approbation morale des gouvernements.
Certains organismes de recherche ont déjà bataillé pour obtenir des brevets dans le domaine de l’édition du génome. Par exemple le Broad institute of MIT détient des brevets étendus sur la technologie CRISPR-Cas9, qui interdit aux titulaires de licence d’utiliser CRISPR-Cas9 pour modifier des embryons humains, des écosystèmes ou des plants de tabac.
Mais ce que propose Shobita Parthasarathy est différent : elle souhaite une règlementation plus formelle pilotée par le gouvernement, basée sur le système des brevets, couvrant tous les domaines de l’utilisation de l’édition du génome. Il permettrait d’agir en amont, puisque les inventeurs déposent généralement des demandes de brevet avant d’essayer d’obtenir l’approbation règlementaire pour leur nouvelle technologie. Les gouvernements pourraient créer un comité consultatif sur les brevets d’édition de gènes, formé de membres de l’agence de protection de l’environnement, de membres du ministère de la santé, de scientifiques, d’historiens, de juristes…
[1] En Europe, la directive de 1998 sur la protection juridique des inventions biotechnologiques fournit déjà un cadre à l’édition du génome mais une surveillance supplémentaire est nécessaire.
Nature (23/10/2018)