« La première fois qu’étudiante, j’ai lu le texte, j’ai réalisé ce que cela signifiait d’être médecin, témoigne Fantine[1], une interne en gériatrie. Ce serment est… engageant. Responsabilisant ».
Le journal La Croix consacre une enquête à la perception du serment d’Hippocrate chez les médecins. Une « tradition » qui remonte à 2 500 ans. « Sur son honneur, et à l’époque (le IVe siècle avant Jésus-Christ) devant les dieux, le nouveau médecin s’engageait à respecter – à travers neuf articles et autant d’engagements – certaines règles de déontologie professionnelle. » (cf. Le serment d’Hippocrate : aspects éthiques, juridiques et historiques)
Un texte qui engage le médecin
Grégoire Moutel, professeur de médecine et directeur de l’Espace de réflexion éthique de Normandie, « ose espérer » que le serment d’Hippocrate demeure « un document important ». Un texte qu’il utilise pour enseigner « les valeurs du soin » à ses étudiants de première année.
Baptiste Beaulieu, médecin généraliste à Toulouse, abonde : « Ce texte, on le prononce devant ses pairs, son jury, sa famille, ses amis, les personnes qui vous sont chères. Nos pairs l’ont énoncé avant nous. D’autres le réciteront après nous. C’est comme un rite, qui donne un côté solennel et presque spirituel à la fin de votre cursus. Ce n’est pas rien. »
Les médecins divisés
Mais alors que le généraliste le considère comme « une boussole éthique », pour Luc, qui est gynécologue, c’est « un peu… folklorique ». « Les grands principes qu’il expose figurent de manière beaucoup plus complète et moderne dans le guide de déontologie médicale, le code de la santé publique, estime-t-il. Pour moi, la boussole, ce sont ces textes-là. »
Un serment évolutif ?
Le serment originel prohibait l’administration de « pessaire abortif » (cf. Le nouveau Serment d’Hippocrate met la valeur de la vie humaine en balance). Mais « la formulation a changé, au fil des siècles et des évolutions de la médecine et de la société ». La dernière modification du texte par l’Ordre national des médecins date de 2012. Un serment « révisé » qui a intégré « la notion d’autonomie du patient et du “consentement éclairé” ».
Et Grégoire Moutel pointe que « le serment prononcé par les nouveaux médecins ne sera pas forcément le même d’une université à l’autre » (cf. Un serment d’Hippocrate à la carte ?). Mais pour Edouard qui est radiologue, « que reste-t-il d’Hippocrate dans ce serment, si son éthique est évolutive ? »
[1] Les prénoms ont été modifiés par la journaliste à la demande des intéressés.
Source : La Croix, Alice La Dréau (22/11/2021) – Photo : Mario Aranda de Pixabay