« Cette loi est faite pour ceux qui vont mourir et non ceux qui veulent mourir ». Ces mots prononcés par Michel Amiel, membre de la commission des affaires sociales, au moment de la discussion générale sera comme le fil rouge qui présidera aux échanges entre les sénateurs.
Sans doute échaudés par l’échec du vote en première lecture, puisqu’à l’issue des débats les sénateurs avaient voté contre le texte qu’ils avaient amendé (cf. Gènéthique vous informe du 23 juin 2015 et du 25 juin 2015), les sénateurs semblaient s’être mis d’accord sur une version commune du texte. Pour Alain Milon, Président de la commission des affaires sociales, « cette proposition de loi, réécrite par la commission des affaires sociales réussit le tour de force d’être une avancée et le fruit d’un consensus » (Cf. Gènéthique vous informe du 22 octobre 2015). Dépassant les clivages politiques et les postures idéologiques, ils maintiendront cette position dans la discussion générale, dans les débats et jusqu’au moment du vote, quand Marisol Touraine leur demandait « le rétablissement pur et simple du texte de l’Assemblée nationale ». Ce que regrettera Françoise Gatel : « L’obstination déraisonnable de Marisol Touraine me fait peur ! »
Si les sénateurs s’affrontent sur leurs tendances respectives entre aide active à mourir et crainte d’ouvrir la porte de l’euthanasie passive, ils ont le souci de proposer un texte, même très imparfait, qui puisse être une alternative à celui de l’Assemblée nationale. « Il était important qu’un texte sorte du Sénat et il est important que soient prises en compte les avancées du Sénat », expliquera Dominique de Legge. Aussi, parmi les amendements proposés, qu’ils viennent du gouvernement ou des sénateurs, très peu seront adoptés.
L’amendement 28, déposé de justesse par le gouvernement, rétablissait l’alimentation et l’hydratation artificielles comme des traitements. Marisol Touraine a précisé que cet amendement visait à rétablir le texte voté par l’Assemblée Nationale en 1ère lecture, mais elle n’est pas entrée dans le fond du débat. L’amendement visait aussi à rétablir la notion de « traitements inutiles » pour qualifier l’obstination déraisonnable, car pour le gouvernement, sans cela, « nous revenons à un état de droit antérieur à la loi Leonetti de 2005 ». Défendant avec force son amendement, Marisol Touraine s’est retrouvée seule, la Commission donnant un avis défavorable. 201 sénateurs ont voté contre et 11 pour. L’apport des sénateurs sur ce point demeure donc : « l’hydratation est un soin qui peut être maintenu jusqu’au décès ».
Les amendements visant à introduire l’euthanasie ou une « aide médicale à mourir » ont reçu un avis défavorable du gouvernement et de la Commission, et ont tous été rejeté. Marisol Touraine « ne se retrouve pas dans la démarche de ces amendements », mais n’exclut pas un prochain texte qui en tienne compte.
L’amendement visant à « préciser les cas dans lesquels le médecin pourra ne pas appliquer les directives anticipées rédigées par le patient », défendu par le Sénateur Pillet de la Commission des lois, qui veut « renforcer l’équilibre du texte » a été adopté.
Les amendements 23, 24 et 25 déposés avec le soutien d’association d’handicapés pour répondre aux ambigüités législatives mises à jour à l’occasion de l’Affaire Vincent Lambert, ne seront pas soutenus. Retirés, il ne seront pas même votés.
Enfin l’amendement du Sénateur de Legge visant à « faire annuellement un état du développement des soins palliatifs à l’occasion de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale » a été critiqué avec « véhémence » par Marisol Touraine mais finalement adopté par les sénateurs. « Les soins palliatifs doivent trouver une traduction budgétaire » a déclaré Dominique de Legge.
Passés au vote, les sénateurs ont adopté le texte à 287 voix pour l’adoption et 10 contre.