Le Monde consacre un dossier aux Etats-Généraux de la bioéthique

Publié le 10 Juin, 2009

Estimant que la France s’est toujours caractérisée par la cohérence et la permanence de sa législation sur les sciences du vivant, Le Monde note ce qui doit faire la spécificité de la révision des lois de bioéthique en 2010: la France est –elle "prête à faire des concessions sur certains des grands piliers de sa loi" ? Alors qu’elle a été construite, non de façon pragmatique, mais en se dotant de grands principes, la législation française est actuellement en porte-à- faux avec un certain nombre de revendications sociales émergentes : AMP pour les femmes célibataires et les couples homosexuels, mères porteuses, remise en cause du principe d’anonymat, etc. Le Monde fait donc le point sur les six questions principales des Etats-Généraux de la bioéthique, éclairés par le point de vue de la juriste Frédérique Dreifuss-Netter.

La gestation pour autrui est interdite en France, mais autorisée dans certains pays. Des couples n’hésitent donc pas à aller à l’étranger afin de profiter de cette technique. La filiation des enfants nés d’une GPA à l’étranger n’est pas reconnue par la loi française pour laquelle la mère est la femme qui accouche, et non celle qui a conçu le projet de gestation pour autrui. Selon Nadine Morano, de tels enfants sont donc des "sans- papiers." En décembre 2008, un groupe de travail du Sénat, présidé par Michèle André (PS) a proposé d’autoriser la pratique des mères porteuses. Selon le rapporteur Alain Milon (UMP) : "Correctement encadrée, elle peut être un don réfléchi et limité dans le temps d’une partie de soi." Les partisans de la GPA considèrent qu’il s’agit aujourd’hui de la seule réponse à la stérilité des femmes qui ne peuvent porter leur enfant. Loin d’être un abandon, le geste de la mère porteuse serait ainsi un don. Pourtant, pour beaucoup, la gestation pour autrui reste une commercialisation du corps des femmes, et un risque d’exploitation des plus défavorisées.

L’AMP, initialement destinée à contourner l’infertilité de couples hétérosexuels en "âge de procréer", mariés ou faisant la preuve de deux ans de vie commune, est aujourd’hui revendiquée par les couples homosexuels et les femmes célibataires. Cette revendication est portée par l’APGL (Association des Parents et futurs-parents Gays et Lesbiens) qui plaide en faveur de l’homoparentalité. Le Conseil d’Etat entend pourtant toujours privilégier "l’intérêt de l’enfant" : "il s’agirait de créer délibérément un enfant sans père, ce qui ne peut être considéré comme l’intérêt de l’enfant à naître." En aucun cas, l’AMP ne saurait donc devenir "un mode alternatif à la procréation."

Les dons de gamètes sont actuellement anonymes en France afin d’éviter les arrangements commerciaux et de protéger la responsabilité des parents. Pourtant, s’il ne s’agit toujours pas de considérer les donneurs comme parents, beaucoup s’interrogent sur la nécessité de leur trouver une place dans l’histoire de l’enfant. Plusieurs personnes nées de dons manifestent un tel besoin.

La recherche sur les cellules souches embryonnaires, permise dans plusieurs pays européens mais interdite en France sauf exceptions pour cinq ans, fait l’objet d’une controverse. Celle-ci se fonde sur le fait que le prélèvement de ces cellules implique la destruction de l’embryon. Le Conseil d’Etat a pourtant préconisé, dans son rapport du 6 mai dernier, "un régime permanent d’autorisation enserré dans des conditions strictes." La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, se prononce en faveur du maintien de la législation actuelle.

La question de l’extension du diagnostic préimplantatoire est liée à la définition des pathologies graves pouvant en faire l’objet. C’est pourquoi l’Office Parlementaire des Choix Scientifiques et technologiques recommande que soit dressée une liste des maladies d’une particulière gravité. Le Conseil d’Etat, en revanche, considère qu’il faut laisser aux équipes médicales la liberté d’apprécier la gravité de la pathologie.

L’accès aux tests génétiques enfin, doit bénéficier d’une législation plus complète permettant de revoir la procédure "d’information médicale à caractère familial", de limiter des dérives éthiques relatives aux tests génétiques par internet, et d’interdire la transmission des résultats de ces tests à des tiers (employeurs, etc.)

Pour Frédérique Dreifuss- Netter, les lois de bioéthique françaises ont toutes été établies sur un principe fondamental : le respect de la dignité de la personne humaine. Ce principe se décline en : primauté de la personne, respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, non-patrimonialité du corps humain, anonymat du donneur.
Elle note pourtant qu’ "il est toujours possible de revenir sur des principes posés antérieurement ou de leur apporter des exceptions plus ou moins encadrées. L’important est de ne pas aller à l’encontre des principes établis en droit international ou qui ont valeur constitutionnelle."

Le Monde ( Paul Benkimoun- Cécile Prieur- Anne Chemin) 10/06/09

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