7 embryons congelés
La presse américaine a annoncé il y a quelques semaines que la Cour suprême du New Jersey devait trancher sur le sort de sept embryons congelés que se dispute un couple de divorcés. En 1995, le couple avait demandé une insémination in vitro parce que la jeune femme ne pouvait pas avoir d’enfant. Une petite fille est née et les sept embryons restant ont été congelés. Quelques années plus tard le couple se sépare. Il faut donc statuer sur le sort des sept embryons. La femme veut les détruire, l’homme veut les conserver pour un autre mariage. Une bataille juridique est lancée pour décider de l’avenir de ces embryons…
Le procès de Maryville (1)
Ce procès « sans précédent » selon certains journaux est en fait la réplique du fameux procès de Maryville de 1989 (état du Tennesse). Une femme Mary demandait qu’on lui confiât les embryons congelés qu’elle avait eus avec son mari. Celui-ci demandant le divorce, s’opposait à cette requête. Dans ce cas de divorce il fallait trancher : « car tout bien doit être partagé entre les personnes, toute propriété découpée ou, s’il le faut, liquidée pour être réglée en espèces ». Or, découper ou liquider ne règle rien dans notre espèce ; les enfants sont un bien qu’on ne peut partager. A moins de rétablir un troisième terme à mi-chemin entre l’humain que la loi protège et le reste dont on dispose à sa guise. Dans cette affaire le juge devait juger de la nature humaine, de l’être à son commencement. « C’est, disait Me Palmer, avocat de la mère, le procès du siècle sur ce point. Une cour se trouve obligée de répondre à la question : quand commence un homme ? »
L’argument était au sens le plus technique du terme une querelle nominaliste. Les partisans de la non-humanité de la plus extrême jeunesse utilisait le néologisme « pré-embryon », laissant penser qu’un pré-embryon ne mérite pas le respect dû à des embryons. Chose ou homme, il fallait que le Droit soit dit. Pour cela il fallait les réponses de la génétique.
Le juge Dale Young avait fait une déclaration officielle pour ouvrir le prétoire aux spécialistes qui pourraient apporter leurs lumières dans ce cas sans précédent. « De ces surgelés dans leur « concentration can* » il y en a sept qui doivent être confiés à garde si ce sont des enfants très jeunes ou qui peuvent être liquidés si ce sont des biens communs ! Pouvez vous témoigner de leur humanité ? » Par ces mots, l’avocat Martin Palmer appelait comme témoin scientifique, Jérôme Lejeune alors professeur de génétique fondamentale à l’université René Descartes. Il a exposé ce que les généticiens et les embryologistes savaient, établissant ainsi l’humanité des plus jeunes êtres humains.
Le 2 septembre 1989, le juge Dale Young rendit son opinion confiant à la mère la garde temporaire de ses 7 embryons dans le but d’une implantation. Etablissant l’humanité des embryons, ce jugement reconnaît qu’un embryon n’est la propriété de personne puisqu’il est seul au monde à posséder la propriété de développer sa propre personne. Ce procès est devenu une référence pour la justice américaine. Mais 12 ans après Maryville, comment tranchera la Cour suprême de New Jersey ?
(* can : boîte )
1- J. Lejeune, « L’enceinte concentrationnaire” d’après les minutes du procès de Maryville
Le Sarment Fayard 1990