Lors du vote du projet de loi sur la bioéthique à l’Assemblée Nationale, les députés ont adopté un amendement – l’amendement 70 – qui vient modifier l’article 9, alinéa 4 sur le diagnostic prénatal (DPN). Cet amendement marque une volonté d’éviter la systématisation du DPN et d’atténuer les dérives eugéniques qui peuvent en découler (96% des trisomiques dépistés sont avortés). Cette mesure fait l’objet d’une vive polémique qui oppose les professionnels de la santé. Focus sur les arguments en présence.
DPN et nécessité médicale
Initialement, l’article 9 disposait que les examens de diagnostic prénatal “sont proposés à toute femme enceinte au cours d’une consultation médicale“. L’amendement en cause, défendu par Jean Leonetti, rapporteur de la Commission spéciale, précise désormais que ces examens sont proposés à toute femme enceinte “si les conditions médicales le nécessitent“. Déjà à l’Assemblée, certains députés ont dénoncé une violation de la liberté de la femme ou encore des problèmes de responsabilité médicale : une femme à laquelle on n’aurait pas proposé le DPN et qui aurait un enfant handicapé pourrait se retourner contre le médecin.
Une entrave au droit des patients ?
C’est désormais aux professionnels de santé de s’affronter sur la question. Pour certains, l’alinéa 4 ainsi rédigé constitue “une grave entrave au droit des patients alors soumis aux seules décisions, aux seules convictions du professionnel de santé de délivrer ou non une information“. Le Dr Nicolas Fries, président du Collège français d’échographie fœtale estime que “si la loi passe en l’état au Sénat, il y aura une vraie inégalité d’information des femmes en fonction du médecin sur qui elles tombent.” Ils ont donc lancé un “appel national” pour s’opposer à la modification de l’article.
Respect de la liberté de prescription
Pour d’autres, cette dernière position repose “sur une interprétation inexacte de la loi“. Le Dr Patrick Leblanc, gynécologue-obstétricien à Béziers, et président du Comité pour sauver la médecine prénatale (1) qui regroupe 800 professionnels de la grossesse, affirme ainsi que les six mots ajoutés renforcent les principes de déontologie médicale.
L’alinéa 4 se réfère en effet au principe de la liberté de prescription des médecins tel qu’il est défini dans le code de déontologie médicale, qui précise que “dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qu’il estime les plus appropriées en la circonstance“. En outre, le droit de la santé publique ainsi que les organismes d’assurance-maladie et de santé ne recommandent de réaliser les “examens de dépistage qu’à partir d’un certain seuil de risque et jamais de manière systématique pour toute la population. ” La distinction qu’un médecin doit faire entre ses patients n’est donc ni un “défaut d’équité” ni “un manquement à un principe de justice” : elle est “une adaptation personnelle du médecin à chaque cas qui est au fondement de l’art médical“.
Droit à l’information du patient
Par ailleurs, l’alinéa 4 raffermit “le droit des patients sur ses véritables bases“. Le code de déontologie médicale dispose que “le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information (…) appropriée à son état“. Il serait donc abusif d’informer de la même manière une jeune femme de 25 ans, chez qui les risques de trisomie 21 par exemple sont très peu élevés, et une femme approchant de la quarantaine : “informer obligatoirement cette femme d’un risque relèverait de la mise en œuvre d’une politique de santé publique d’éradication de tous les êtres atteints de cette pathologie“. Le dépistage prénatal de la trisomie 21 tel qu’il est pratiqué aujourd’hui en France se trouve par ailleurs en contradiction avec les “critères définis par l’OMS pour justifier l’organisation d’un dépistage“.
Conclusion
Pour le Dr Leblanc,”en 2011, le danger n’est pas dans la sous-information des patientes, il réside dans la pratique eugénique actuellement constatée. Nous devons prémunir notre démocratie de dérives techno-scientifiques qui sont contraires aux droits de l’Homme.“