L’assistance médicale à la procréation pose de nouvelles questions éthiques

Publié le 31 Jan, 2008

Bilan de l’Agence de la biomédecine

 

L’Agence de la Biomédecine a présenté, le 29 janvier 2008, un bilan de l’assistance médicale à la procréation (AMP) en France. En 2005, 19 026 enfants sont nés avec l’aide d’une AMP, ce qui représente 1 enfant sur 40.  1 293  d’entre eux ont été conçus avec un tiers donneur. Par ailleurs, fin 2005, on recensait 141 460 embryons congelés conçus in vitro pour 38 274 couples ; 58% d’entre eux faisaient l’objet d’un projet parental. Le taux de réussite d’une AMP, en termes de naissances, reste autour de 20% par tentative.

 

Pénurie d’ovocytes et de sperme

 

L’Agence de la Biomédecine est préoccupée par la « pénurie » en matière de don de gamètes qui entraîne parfois le déplacement de certains couples à l’étranger. Face à la pénurie, François Thépot, professeur d’embryologie et de cytogénétique et adjoint au directeur médical de l’agence, indique avoir autorisé le don d’ovocytes direct et non plus obligatoirement congelé. Une campagne d’information va être lancée au printemps pour le don d’ovocytes et à l’automne pour le don de spermatozoïdes.

 

Elargir l’accès à l’AMP ?

 

Les « médecins de l’infertilité » sont confrontés aujourd’hui à de nouvelles demandes provenant de situations sociales non prévues, dû au bouleversement de la famille traditionnelle, à « l’amélioration des techniques (…) qui ouvre le champ des possibles » et à « une appréhension différente de la place du patient qui, notamment depuis la loi du 4 mars 2002, a davantage son mot à dire », explique Nicolas Foureur, médecin du Centre d’éthique clinique à Paris. Ces nouvelles demandes (tardives, émanant de couples homosexuels, de femmes seules, de couples dont l’homme est transsexuel…) posent de nouvelles questions par rapport aux lois de bioéthique qui encadraient le « traitement » de la stérilité de couples hétérosexuels. Aujourd’hui, les textes législatifs n’y apportent pas toujours une réponse claire. La loi du 6 août 2004 prévoit que l’AMP est accessible à un couple formé d’un homme et d’une femme « vivants, en âge de procréer ». Comment déterminer l’âge limite par exemple ? Depuis quelques années, un nombre croissant d’hommes demande la congélation de leur sperme vers 60 ou 65 ans, pour « refaire leur vie ». Que répondre ? Pour certains médecins, tel René Frydman, « l’élément dominant, c’est le risque que présente une éventuelle grossesse, notamment après un certain âge ». « Pour le reste, je m’interdis d’entrer dans ce qui fait le désir d’enfant. » D’autres sollicitent l’avis du Centre d’éthique clinique ou s’en remettent à une décision collégiale. La question de l’accès  à l’assistance médicale à la procréation devra être débattue lors de la révision des lois de bioéthique, prévue en 2009.

 

Instaurer un agrément ?

 

Sophie Marinopoulos, psychanalyste au CHU de Nantes, estime que « nous n’aurons pas le choix de nous opposer à un tel élargissement car il est déjà possible, au delà des frontières, pour qui le veut, d’obtenir une AMP ». Elle propose donc d’instaurer une forme d’agrément,  comme dans le cadre de l’adoption.

 

Mondialisation de l’AMP

 

Par ailleurs, dans de nombreux pays, les gamètes et toutes les techniques d’AMP se vendent librement, constituant un marché de l’enfant, désormais mondialisé. Les exemples foisonnent : aux Etats-Unis, on peut acheter du sperme (275 000 USD la dose), des ovocytes (de 2 500 à 50 000 USD, selon les critères morphologiques et raciaux de la « vendeuse ») ; en Ukraine, une mère porteuse loue son utérus entre 25 000 et 45 000 USD… Ce marché est estimé à 3 milliards USD par an aux Etats-Unis, sans compter le reste du monde.

 

Faut-il financer l’AMP ?

 

Véronique Fournier, médecin et responsable du Centre d’études cliniques de Cochin, interviewée par le journal La Croix du 29 janvier 2008, interroge : « si on ouvre largement l’accès à l’AMP, cela signifiera-t-il que la société cautionne cette ouverture et qu’elle est prête à l’assumer financièrement ? ». « La question est celle de savoir ce qu’il est « juste » de dépenser au plan éthique pour l’AMP, comparativement aux autres dépenses de santé. »

 

Sexualité et procréation

 

Dès 1987, dans l’encyclique Donum Vitae, l’Eglise catholique s’inquiétait de la dissociation entre sexualité et procréation engendrée par l’AMP. « En substituant un acte technique à l’étreinte des corps, on pervertit la relation à l’enfant : celui-ci n’est plus un don mais un dû », explique Mgr Jean-Louis Bruguès, secrétaire de la Congrégation romaine pour l’éducation catholique.

Autre dissociation dénoncée par l’Eglise : celle des parentés, lorsque l’on fait appel à un tiers donneur de cellule sexuelle. L’insémination artificielle avec donneur (IAD) « lèse les droits de l’enfant, le prive de la relation filiale à ses origines parentales, et peut faire obstacle à la maturation de son identité personnelle ».

 

Perte de valeur de l’embryon

 

L’Eglise enfin met en garde contre la perte de valeur de l’embryon, du fait de la réduction embryonnaire et de l’utilisation des embryons dits « surnuméraires ». « Tout se passe comme si l’embryon qui n’est pas porté par un projet parental n’avait pas de valeur », remarque le Père de Malherbe, enseignant en bioéthique à l’Ecole cathédrale. Or, l’embryon est un être humain à part entière et dès sa conception, « on doit lui reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels le droit inviolable à la vie ».

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