Avant, « les virus passaient, tuaient des millions de personnes et (pour le dire vite) personne ne s’en apercevait, sinon après coup » rappelle le philosophe Damien Le Guay. « Les hommes se savaient fort peu protégés, fragiles, entre les mains de Dieu, de la Fatalité ou de la Nature. » Mais avec l’épidémie de Covid-19 les choses sont différentes. « Ce qui était acceptable ne l’est plus, constate le philosophe. (…) Tout se sait, se voit, se vit en temps réel. Et cette sur-information, cette sur-visibilité, cette sur-sensiblité conduisent à une maximalisation du principe de précaution ». Ainsi, « il est permis de bloquer le temps social, d’arrêter l’économie, de suspendre les libertés publiques fondamentales, d’instaurer une méfiance vis-à-vis des autres ». Une situation inédite « depuis le début de l’humanité » affirme Damien Le Guay.
Et le philosophe souligne le paradoxe : « La vie est préservée, mais celle des corps et non celle d’une vie en train de s’achever, d’une âme en train de se remettre aux autres, à l’avenir, à Dieu, aux familles ». « Nos sociétés tentent d’oublier la mort, de l’étouffer en quelque sorte en fin de vie (avec une pratique extensive de la sédation), de la rendre improbable et anonyme, regrette Damien Le Guay. Et même, nous voudrions encore plus, avec l’aspiration de nos concitoyens à l’euthanasie, au choix, à la primauté de la volonté sur l’abandon à plus fort que soi ».
Face à ce constat, le philosophe appelle à une prise de conscience « quant à l’importance vitale, primordiale, indispensable à nos équilibres psychiques, d’un accompagnement collectif de qualité des mourants, des morts et des endeuillés ».
Source : Atlantico, Damien Le Guay (01/11/2020)