La science et le politique

Publié le 11 Fév, 2008

Responsable de la commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon, Pierre-Olivier Arduin constate que "nos sociétés postmodernes sont placées sous l’autorité absolue de la science".

Preuve de cette "soumission collective à la science", certains technoscientifiques ont – à la suite des récentes découvertes sur les cellules souches de sang de cordon et les cellules souches adultes (reprogrammées en cellules pluripotentes par Shinya Yamanaka) – souhaité gommer les deux dispositions inscrites dans la loi de 2004 pour limiter les recherches sur l’embryon. Ces-dernières sont en effet autorisées "à la condition d’être susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable en l’état des connaissances scientifiques" (Code de la santé publique, art. L. 2151-5).

Au cours de la journée d’auditions organisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) à l’Assemblée nationale le 29 novembre dernier, Axel Kahn avait ainsi défendu l’idée de libéraliser, sans restriction, la recherche sur l’embryon "pour la seule connaissance scientifique" (Cf Synthèse de presse du 30/11/07).

L’alibi thérapeutique et le droit à la santé des malades évoqué en 2004 cèdent le pas au "droit de la science". Dès lors, la liberté de la recherche supplante le respect de la dignité de l’être humain – pourtant entériné par la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme adoptée par la conférence générale de l’Unesco le 11 novembre 1997 et par la Convention européenne d’Oviedo sur la biomédecine du 19 novembre 1996.

Autre preuve de ce bouleversement, les doléances de Carine Camby, directrice de l’Agence de la biomédecine, qui souhaite établir une loi-cadre énumérant de grands principes tout en laissant libres les chercheurs et l’Agence de la biomédecine qui disposerait de "plus de possibilité d’interprétation et d’application".

Pourtant, il semble que l’Agence de la biomédecine ait déjà pris quelques libertés à l’égard de la loi de 2004 : "une prise en compte honnête des nouvelles découvertes dans le champ des cellules souches adultes et de l’absence de perspectives médicales venant de la recherche sur les cellules embryonnaires n’aurait-elle pas dû conduire le conseil d’orientation scientifique de l’Agence à reconsidérer son point de vue sur les délivrances d’autorisations jusqu’ici accordées aux équipes travaillant sur l’embryon ?".

Dérives qu’avaient dénoncées le Centre français pour la justice et les droits fondamentaux, estimant qu’"en créant une telle agence, le législateur fait preuve d’une formidable hypocrisie" : "il prétend remettre les questions difficiles entre les mains de “sages”, tout en désignant “les sages” parmi ceux qui ont le plus d’intérêts à l’autojustification. Les expérimentations seront contrôlées par les scientifiques eux-mêmes : la liberté de la recherche n’est plus directement soumise au principe de dignité dont le respect est garanti par le Parlement, mais la liberté de la recherche devient une liberté publique autonome. Le chercheur se trouve ainsi investi de la responsabilité exorbitante de fixer lui-même des limites à ses actes. Alors qu’il se veut le seul garant légitime en démocratie de la protection des droits fondamentaux, le pouvoir politique abdique en se déchargeant sur les experts. Dans un tapage médiatique tenant lieu de débat politique, l’État français laisse la science lui donner un projet".

Même si le Parlement n’a pas brillé par le respect accordé à la vie humaine, l’échéance obligatoire de la révision de la loi et les débats argumentés ont sans doute "atténué les effets délétères" des transgressions votées.

Il est donc temps que "le politique reprenne la main en pesant objectivement les enjeux scientifiques et éthiques portant sur les thérapies cellulaires", conclut Pierre-Olivier Arduin.

www.libertepolitique.com (Pierre-Olivier Arduin) 08/02/08

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