La loi de bioéthique interdit-elle le clonage ?

Publié le 1 Fév, 2002

L’Assemblée nationale en première lecture a adopté le 22 janvier 2002 le projet de loi  relatif à la bioéthique.

 

La recherche sur l’embryon

La loi prévoit notamment d’autoriser la recherche sur les embryons  surnuméraires actuellement congelés, (article L.2151-3), « ayant fait l’objet d’un abandon du projet parental et dépourvus de couples d’accueil ». Le gouvernement explique sa décision « par le souci de ne pas priver des progrès le traitement des maladies incurables qui pourraient résulter de recherches menées à partir de cellules souches embryonnaires ».

Contrairement à ce qui a été parfois dit ou écrit, ce n’est pas seulement la recherche sur l’embryon surnuméraire qui a été autorisée mais aussi la conception d’embryons en vue de la recherche, comme en dispose l’article L.2151-2 : « La conception in vitro d’embryons humains à des fins de recherche est interdite, sans préjudice des dispositions prévues à l’article L.2141-1 ». Mais l’article L.2141-1, qui traite de l’évaluation des nouvelles techniques d’AMP, se termine ainsi :

 

« A l’issue du processus d’évaluation, les embryons dont la conception résulterait de cette évaluation ne peuvent être ni conservés, ni transférés, ni entrer dans le cadre d’un projet de recherche au titre de l’article L2151-3 ».

 

On voit donc que si la conception in vitro d’embryons humains à des fins de recherche est déclarée interdite, on autorise néanmoins la création d’embryons pour évaluer de nouvelles techniques de procréation médi-calement assistée. A partir du moment où seront autorisées l’expérimentation sur l’embryon et la création d’embryons pour la recherche, on est entraîné dans une dynamique qui conduit au clonage. Le clonage sera le recours logique en cas d’insuffisance des techniques autorisées (par exemple, risque d’incompatibilité immunitaire des cellules souches prélevées chez les embryons surnuméraires).

 

Le rejet du clonage

« Est interdite toute pratique ayant pour but de faire naître un enfant ou se développer un embryon qui ne seraient pas directement issus des gamètes d’un homme et d’une femme ». Se trouve ainsi posée l’interdiction du clonage reproductif, voire du clonage dit thérapeutique. Une majorité des parlementaires émerge dorénavant pour refuser cette pratique. Les députés semblent reconnaître que le clonage dit thérapeutique est la porte ouverte au clonage reproductif (rappelons que c’est la même tech-nique) et craignent la naissance d’un trafic d’ovocytes. Il reste que le rejet du clonage dit thérapeutique n’est pas un rejet de principe mais est conjoncturel. Il n’est pas fondé sur un principe de respect absolu de l’embryon mais sur des incertitudes techniques provisoires.

 

L’ouverture au clonage 

La rédaction de l’article 15 n’est pas inintéressante. Son titre mentionne : « Interdiction du clonage reproductif ». Pour éviter un pléonasme, il eût été souhaitable de supprimer le mot « reproductif ». On peut y lire non seulement l’interdiction du clonage reproductif mais aussi l’interdiction de l’exploitation du clonage à finalité thérapeutique.

 

En effet, le rapport de la Commission spéciale sur le projet de loi, en date du 10 janvier, aux pages 153-154, apporte les précisions suivantes :

– « s’agissant de la finalité, sont visés non seulement la naissance d’un être humain, mais aussi le développement d’un embryon, ce qui permet d’interdire le clonage qui aurait pour but de créer des clones aux seules fins de constituer des réserves de cellules voire d’organes en vue de greffes, les premières étant mises en culture et les seconds étant isolés après interruption du développement embryonnaire ;

– s’agissant de la méthode du clonage (…) elle permet en effet de prohiber à la fois le transfert de noyau d’une cellule somatique (adulte) et le transfert d’une cellule embryonnaire totipotente au premier stade du développement embryonnaire, dans un ovule énucléé (…)

L’interdiction proposée viserait « toute intervention » ayant pour finalité la naissance d’un enfant ou le développement d’un embryon, sans préciser la nature de celle-ci. Il s’agirait donc de tous les actes qui rendraient possible cette naissance ou qui permettraient que se développe un embryon, que ce soit in vitro ou in vivo. Cela viserait donc tant le biologiste qui procéderait in vitro à la création d’un embryon à partir d’un ovule énucléé, dans le cas du recours à la technique du clonage, ou d’un ovule dans le cas d’une parthénogenèse, mais également le médecin qui procéderait à l’implantation in utero de l’embryon obtenu, ainsi que le médecin ou la sage-femme qui permettrait la naissance de l’enfant si la grossesse était menée à son terme ».

 

Au cours des débats du 17 janvier, un amendement 74 a été présenté par le rapporteur de la Commission spéciale. Il visait à proposer une nouvelle rédaction de l’interdiction du clonage reproductif afin de prohiber plus explicitement encore que dans le texte du Gouvernement la conception d’embryons issus de cette technique. Il a ainsi été proposé d’affirmer qu’est interdite toute intervention ayant pour but ou pour effet de concevoir ou implanter un embryon humain qui ne serait pas directement issu des gamètes d’un homme et d’une femme.

 

Le ministre délégué a répondu que, sur le fond, il était entièrement d’accord : « votre amendement tend à affirmer que toutes les étapes susceptibles de conduire à un éventuel clonage reproductif doivent être interdites et cela correspond parfaitement à notre intention (…) Les articles 21 et 22 du projet de loi prévoient de réprimer, dans le code pénal et dans le code de la santé publique, toute infraction aux dispositions du projet et en particulier le clonage reproductif et thérapeutique ».

Le Gouvernement n’ayant pas souhaité revenir sur la rédaction initiale, l’amendement 74 a été retiré par le rapporteur, avant d’être repris par M. Mattéi, et finalement rejeté. La rédaction adoptée est donc celle qui interdit seulement le « développement » d’un embryon issu du clonage. Quant aux articles 21 et 22, ils ne répriment aussi que le « développement » d’un embryon humain issu du clonage.

 

En conséquence, la loi interdit le clonage reproductif et l’exploitation du clonage à finalité thérapeutique (cultures de cellules ou réserves d’organes, considérées comme prématurées), mais n’interdit pas stricto sensu de concevoir un embryon, c’est à dire de mettre au point la technique du clonage, sans développement ultérieur de l’embryon. Par ailleurs, le rapporteur avoue ne pas être hostile à la technique dite du « clonage thérapeutique » mais il estime que plusieurs éléments conduisent à ne pas l’introduire dans le présent projet. « En revanche, ce sera le rôle de l’agence de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaines d’aider et d’éclairer le législateur et l’exécutif en analysant l’évolution scientifique afin, éventuelle-ment, de faire une proposition de révision du cadre légal ou réglementai-re de la recherche sur l’embryon (…) »

 

Conclusion

En ne fermant qu’à moitié la porte au clonage, pour des raisons techniques, provisoires, et en autorisant le principe de la création d’embryons pour la recherche, les évolutions des prochaines années sont annoncées.

 

Les techniques déclarées insuffisantes, et coupables de freiner la recherche, puis les transgressions assumées et rendues publiques par des « autorités morales », constitueront les facteurs déclenchant de cette évolution.

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