« La France ne devrait-elle protéger que les femmes faisant le choix d’avorter et pas les autres ? » C’est la question que soulève Adeline le Gouvello, avocate, alors que l’émission de Cyril Hanouna du 12 octobre a suscité la polémique autour de la question « pour ou contre l’IVG » et la réaction virulente de l’ex-ministre des Familles, Laurence Rossignol ou celle de Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes. Pour l’avocate, « les réactions de ces deux femmes d’État sont intéressantes en ce qu’elles révèlent une déconnexion non seulement de ce que dit réellement la loi mais aussi des droits des femmes ».
La loi Veil, après avoir rappelé que la loi « garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie » (art. L 2211-1 du code de la santé publique), autorise qu’il ne soit porté atteinte à ce principe « qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par le présent titre ». Par conséquent, l’avortement « n’est pas un droit absolu mais une exception à un principe (celui du respect de l’être humain dès le commencement de sa vie) » et « le dire ne remet pas en cause l’IVG puisque c’est la loi l’instituant qui l’énonce elle-même ». Pourtant, dans les faits, il est « des exceptions à des principes sur lesquels mieux vaudrait ne pas s’exprimer », comme en témoignent l’adoption de la loi sur le « délit d’entrave ».
Pourtant, Adeline Le Gouvello explique que « leur jusqu’auboutisme et leur incohérence sont justement à l’origine des remises en question et des débats qu’elles dénoncent ». Parce que si « la femme est libre d’avorter (dans les conditions légalement prévues), elle est aussi libre de ne pas avorter ». En effet, la loi elle-même dispose que « l’avortement sans le consentement de l’intéressée est un délit (5 ans d’emprisonnement, 75 000 € d’amende) ». Un droit trop souvent bafoué quand des mineures sont trainées par leurs parents vers la salle d’intervention, que « des femmes majeures subissent des pressions et du chantage, non seulement de la part du conjoint ou des proches mais aussi du corps médical (délai de réflexion non respecté du temps où il existait, pressions pour une IMG en cas de problème de santé décelé chez l’enfant) ». Elles en restent profondément traumatisées. « Elles ne sont pas contre l’avortement : elles estiment seulement qu’elles auraient dû avoir le droit effectif de ne pas avorter ». D’autres femmes, très nombreuses, sont contraintes à « un ‘pseudo’ choix, par défaut, parce que l’État n’a rien mis en œuvre pour leur permettre de faire autrement ». Adeline le Gouvello insiste : « Si l’on est vraiment pour ‘avoir le choix’, il faut offrir la possibilité de faire ce choix, ce qui n’est pas le cas ». Elle dénonce en parallèle la « traite du corps des femmes » dans la GPA.
Aussi, à force, la « défense des femmes à géométrie variable » aura pour effet de remettre en cause les droits qui semblaient acquis : lors du débat télévisé, le sondage sur twitter cumulait 20% de réponses contre l’avortement. « En voulant faire de l’exception la règle, sans considération de la liberté de choix des femmes et de la liberté d’opinion, l’exaspération de beaucoup finit par poindre. »
Politique Magazine (Octobre 2018)