La fabrique des orphelins

Publié le 22 Nov, 2021

22 enfants biologiques en Russie, une petite fille abandonnée par ses commanditaires en Ukraine, la gestation par autrui favorise-t-elle la fabrique d’orphelins ?

Ce pourrait être le titre d’un livre sensationnel. Humaniste. C’est sans doute ce que prétendrait ce couple russe. La réalité est nettement moins glamour.

22 enfants biologiques

Ils sont « déjà » parents de 22 enfants biologiques[1]. Kristina Öztürk, 24 ans et son mari milliardaire, 56 ans, ont décidé d’avoir ensemble « au moins une centaine d’enfants ». Pour mener à bien leur projet sans perdre de temps, moyennant 168 000€ soit 8 000€ par femme, ils recourent à des mères porteuses en Géorgie.

Aujourd’hui à la tête d’une « encore » petite armée d’enfants, Kristina Öztürk, son mari travaillant dans son entreprise, a recours à 16 nounous pour s’occuper 24 heures sur 24 de Viktoria, Teresa, Isabella, Alice, Ayrin, Harper, Lokman, Alparslan, Kristina, Mustafa, Alena, Ahmet, Ali, Judy, Olivia, Hasan, Hussein, Sarah, Anna, Ismail, Mehmet et Maryam. Un budget de 80 000€ qui ne comprend ni les frais de couches, ni ceux nourriture…

Un projet orwellien

Interrogée sur les réseaux sociaux, pour savoir si chaque nounou avait en charge un enfant en particulier, elle répond que « non, il n’y a pas de liens. Pendant la journée – bien sûr, une nounou spécifique est responsable d’un enfant spécifique. Mais pendant la semaine, les nounous changent ». Quant à elle, elle explique passer des « moments de qualité » avec chacun d’eux, tout en admettant que s’occuper d’un si grand nombre d’enfants à la fois s’est avéré plus difficile qu’elle ne le pensait.

Le projet est ambitieux et ne peut que susciter des craintes devant ce qui apparait comme la fabrique d’un orphelinat, digne projet orwellien où la jeune femme, quand elle n’est pas avec ses enfants, « contrôle tout », jusqu’aux selles de ses bébés qui sont photographiées par des nounous très strictement encadrées… Des risques d’une telle entreprise, pas un mot.

Des orphelins de masse aux orphelins individuels

Ces orphelins « en masse » rejoignent des orphelins plus individuels dont le sort a suscité la stupeur lors du premier confinement. Enfants abandonnés, les frontières étant fermées, par des commanditaires qui ne pouvaient pas venir les chercher (cf. Bébés bloqués en Ukraine : pas à cause de la Covid-19 mais de la GPA et Les paradoxes français en matière de GPA). Abandons temporaires ou plus définitifs comme pour cette petite fille née en août 2020, commandée à une mère porteuse en Ukraine par un couple italien, confiée à Kiev « à une baby-sitter trouvée sur place par l’intermédiaire d’une agence d’intérim »[2]. Après s’être occupée de la petite fille comme si c’était sa propre fille, la baby-sitter a pris conscience que le couple pourrait ne pas avoir l’intention de revenir et s’est interrogée des conséquences légales de cet abandon. Elle a alors contacté le consulat italien pour signaler qu’elle n’avait plus les moyens d’élever l’enfant[3]. L’intervention du Service de coopération policière internationale, en collaboration avec la Croix-Rouge italienne, va permettre à la petite fille de 16 mois à ce jour de regagner l’Italie. Pas pour y retrouver ses « parents d’intention », mais pour être confiée à l’adoption, laissant la baby-sitter anéantie.

Une histoire qui fait réagir Simona Baldassarre, eurodéputée italienne de la Ligue du Nord Simona Baldassarre (groupe Identité and Démocratie), qui a révélée l’affaire. Elle dénonce la « déshumanisation » de la gestation par autrui qui « devrait être interdite au niveau international ». Dans ces pratiques qui chosifient l’enfant, l’amour peut-il tout justifier ?

 

Cet article de la rédaction Gènéthique a été partiellement publié sur Aleteia sous le titre : La GPA, une fabrique d’orphelins

[1] Daily Mail, Russian woman, 24, who welcomed TWENTY ONE surrogate babies in just over a year with millionaire husband, 57, insists she’s still a ‘hands-on mum’ despite spending $100,000 on 16 nannies

[2] La Stampa, Maternità surrogata, coppia abbandona in Ucraina la figlia di un anno. Oggi arriva in Italia: sarà adottata

[3] Mirror, Couple use overseas surrogate to have baby girl then abandon her 1,500 miles away

 

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