Dans La Croix, Dominique Quinio rappelle en premier lieu la loi Leonetti qui "affirme l’obligation de soulager la douleur, le droit du patient à refuser des traitements, le principe du non-acharnement thérapeutique" et "interdit le geste ultime de la mort délibérément donnée". Dès son adoption, les partisans de l’euthanasie ont exprimé leur souhait d’aller plus loin ; souhait qu’ils expriment de nouveau via le soutien qu’ils apportent à Chantal Sébire.
Mais, "dès lors qu’une loi pose des interdits, il y a toujours des cas qui viennent la bousculer, offrant la tentation de la transgresser", souligne-t-elle. Ainsi, quand bien même la France se doterait d’une nouvelle loi plus libérale, celle-ci poserait de fait de nouveaux interdits qui, à leur tour, seraient mis à mal par d’autres situations particulières.
Et, si aujourd’hui, une exception est faite à la loi de 2005 avec le cas de Chantal Sébire, on ouvre une brèche, fragilisant ainsi l’édifice. Mais, "comment le rappeler, sans paraître indifférent, inhumain ?", s’interroge-t-elle. C’est pourtant le défi que doit relever le gouvernement : "ne pas rester sourd aux cris de détresse, mais signifier ce que représenterait pour la société cette autorisation de donner la mort".
Dans Le Figaro, Martine Perez, analyse cette "situation tragique" qui "suscite une véritable émotion". Mais, au-delà, cette affaire s’inscrit dans la lignée des combats menés pour la légalisation de l’euthanasie par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), "en interpellant au fil des années, la justice, la médecine et les médias sur des cas particuliers".
"Un combat qui gagne du terrain petit à petit, surfant sur des drames humains qui seront toujours légion, tant que l’homme sera fait de chair et de sang", constate Martine Perez. La preuve en est, le non-lieu offert à Marie Humbert et au docteur Chaussoy qui avaient euthanasié Vincent Humbert en 2006. Et, pour elle, ce non-lieu constitue "une première brèche dans l’article 221 du Code pénal qui criminalise l’euthanasie en affirmant que le fait de "donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre puni de 30 ans de réclusion criminelle"".
Martine Perez distingue quatre niveaux de réflexion dans cette affaire :
Premièrement, Chantal Sébire pourrait encore bénéficier de soins médicaux pour apaiser son incontestable souffrance puisqu’"il est possible (…) de la plonger dans un semi-coma pour abréger ses douleurs et lui faire perdre conscience jusqu’à la fin". Soins qu’elle refuse "pour choisir de transformer cette ultime bataille personnelle en un combat emblématique pour l’euthanasie".
Deuxièmement, le rôle du médecin est de "défendre la vie ou de soulager, à défaut de guérir". Pour le Pr Louis Puybasset, chef de service de réanimation à l’hôpital Piété-Salpêtrière (Paris), "le débat sur l’euthanasie ou le suicide assisté n’est pas un problème médical" : "ce n’est pas parce qu’un malade va dire à son médecin : "Donnez moi la mort", que celui-ci va s’exécuter. A quoi cela sert-il de faire des lois sur le handicap ou la dépendance, si l’on pense que l’euthanasie est aussi une solution dans ces situations douloureuses ? Pourquoi cette femme en appelle-t-elle à la justice et à la médecine pour en finir avec la vie, alors qu’elle pourrait aussi faire le choix personnel du suicide ?".
Troisièmement, dans quelle mesure la justice pourrait-elle imposer une décision d’euthanasie au corps médical, en contredisant ainsi le code de déontologie et la loi qui pénalise l’euthanasie ?
Quatrièmement, "comment transmettre la puissance de la vie, son caractère plus fort que tout, aux générations à venir, si l’homme descend de son piédestal et accepte de banaliser la mort en légalisant le droit à se la donner ?". "Dans quel engrenage mettons-nous le doigt, si on légifère sur l’euthanasie en autorisant des hommes à en finir avec les plus faibles, les plus malades, les plus difformes, même à leur demande ?"
"Alors qu’un nombre croissant de pays bannissent la peine de mort, au nom du respect absolu de la vie, la demande d’élimination des malades incurables et qui souffrent fait paradoxalement le chemin inverse", conclut Martine Perez.
La Croix (Dominique Quinio) 14/03/08 – Le Figaro (Martine Perez) 14/03/08