Jean-Marie Le Méné : “Quand on débattra de la loi de bioéthique, nous aurons droit aux versets de la Révélation moderne”

Publié le 29 Août, 2018

La rentrée politique sera une homélie. Quand on débattra de la loi de bioéthique, nous aurons droit aux versets de la Révélation moderne. L’homme ne vient de nulle part et ne va nulle part. Il n’a ni ascendance ni descendance. D’ailleurs, il n’est rien, il se choisit et se crée à chaque instant, homme, femme ou autre chose. Issu d’un être embryonnaire qui n’est pas respectable, l’homme est promis à devenir un être grabataire qui ne sera plus respecté. Entre la sélection prénatale et la sélection terminale, l’homme moderne progresse sous l’étendard de l’avortement, de l’euthanasie et de l’optimisme. Ses parents seront achevés et ses enfants fabriqués, mais l’homme moderne est content. « Toutes les guerres depuis le Déluge ont eu pour musique l’optimisme. Tous les assassins voient l’avenir en rose, ça fait partie du métier. Ainsi soit-il », écrivait Céline.

 

Vers quelle humanité ?

 

On dira que j’exagère. Pourtant les hérauts habituels ont déjà trompeté de Grands Bonds en Avant. Sous peu, on fabriquera des embryons humains transgéniques, par clonage, en mélangeant trois ADN, on fera des essais d’homme, pour voir, pour tester, pour crâner, on créera aussi des chimères homme-animal pour la gloire de la cuistrerie et la jubilation du marché, on passera en pertes des milliers d’embryons sous-calibrés, avant de triompher avec la matrice artificielle qui livrera sous cellophane des humanoïdes garantis.

 

Que les transhumanistes nous épargnent leurs spéculations de bazars. Leurs nouveautés sentent la naphtaline. Non l’homme n’est pas une machine, on ne peut pas le débrider comme un moteur de mobylette, non il ne devient pas meilleur grâce au Progrès, non la science ne va pas le transformer en demi-dieu, non les hommes ne vont pas s’aimer demain comme des frères parce qu’on aura aboli les maladies, la pauvreté et les différences, interdit le tabac, l’alcool et les animaux de cirques, qu’on aura fait disparaître les frontières des cartes, les races de la Constitution et les regards appuyés des coins de rue.

 

Retrouver l’enchantement du réel

 

L’homme ne change pas, c’est une fable. Il est toujours capable d’admiration, une aptitude qui le fait homme. Regardez l’élégance, l’ingéniosité et la force dont le monde végétal entoure sa reproduction. Les fruits de l’érable dotés d’ailes d’hélicoptères sont capables de se poser en douceur à des centaines de mètres de l’arbre. Les fruits du pissenlit, munis de leurs parachutes soyeux, peuvent être disséminés par le vent sur des distances allant jusqu’à 10 km. Les graines du lotus sacré détiennent le record de longévité : des savants ont fait germer une graine datant de 1 300 ans. Les séquoias géants résistent au feu grâce à leur écorce et les enveloppes qui contiennent les graines ne s’ouvrent qu’après avoir été exposées à une chaleur caniculaire ou à un feu de forêt. Le monde qui nous entoure ne change pas non plus et sa manière de se reproduire nous inspire un infini respect.

 

L’enchantement du réel nous aide à ne pas devenir fous. La permanence du monde nous guérit de « la dégradante obligation d’être de son temps » (Hannah Arendt).

 

Article publié initialement dans le magasine Valeurs actuelles sous le titre : Bioéthique : la rentrée politique sera une homélie 

 

Jean-Marie Le Méné

Jean-Marie Le Méné

Expert

Haut-fonctionnaire, Jean-Marie le Méné est aussi l'un des fondateurs et président de la fondation Jérôme Lejeune, reconnue d'utilité publique. La Fondation Jérôme Lejeune est spécialisée dans la recherche sur les déficiences intellectuelles d'origine génétique. Soucieuse de développer des thérapies innovantes, la Fondation finance également un consortium international de recherche en thérapie cellulaire. Jean Marie Le Méné est l'auteur de plusieurs ouvrages dont "Le professeur Lejeune, fondateur de la génétique moderne" (1997, édition Mame), "La trisomie est une tragédie greque" (Salvator, 2009) et "Nascituri te salutant" (Salvator, 2009)

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