Aux Etats-Unis, « les changements apportés par l’administration Trump à la politique relative au don de tissus provenant d’avortements ont conduit les scientifiques à adapter leurs projets de recherche ». Ou « à rechercher d’autres sources de financement ».
Plusieurs laboratoires aux Etats-Unis utilisaient ce type de tissus depuis des décennies, afin d’étudier « depuis les infections virales jusqu’au développement cérébral ». Une recherche qui faisait débat depuis autant de temps, car elle repose sur l’utilisation de tissus fœtaux humains « donnés après des interruptions de grossesse ». L’été dernier, l’administration Trump interdisait aux scientifiques gouvernementaux « d’utiliser ce type de matériel ». Les demandes de subventions des NIH[1] « émanant de scientifiques non gouvernementaux » devaient également être examinées de près (cf. Recherche sur les tissus fœtaux : les Etats-Unis entendent limiter le financement public). Aussi, l’organisme a déclaré être « en train de mettre en place le comité consultatif d’éthique destiné à évaluer les recherches proposant l’utilisation de tissus fœtaux humains provenant d’un avortement volontaire ». En 1988, « l’ancien président américain Ronald Reagan avait imposé des restrictions similaires au financement fédéral des études utilisant les tissus fœtaux ». Des restrictions annulées par le président Bill Clinton « au cours de la première année de son mandat, en 1993 ».
Les tissus fœtaux utilisés pour la recherche proviennent « principalement d’avortements volontaires ». Pour Anita Bhattacharyya, une scientifique spécialiste des cellules souches au Waisman Center de l’Université du Wisconsin-Madison, « les tissus obtenus par d’autres moyens, comme les fausses couches, présentent des limites importantes ». Elle souligne que « l’offre est limitée et [que] les facteurs sous-jacents qui conduisent à une perte de grossesse peuvent compliquer les expériences ». En effet, « de tels événements se produisent souvent de manière inattendue, ce qui signifie que les tissus prélevés ne sont pas toujours intacts ». Et la chercheuse qui utilise des tissus cérébraux fœtaux se dit inquiète « d’utiliser des tissus de mauvaise qualité comme base pour le travail ». Pour elle, « rédiger une demande de subvention qui n’aboutira pas est une perte de temps ».
Face à cette nouvelle réglementation, Mana Parast, biologiste spécialiste des cellules souches et du placenta à l’Université de Californie à San Diego, « se concentre désormais sur l’utilisation de modèles basés sur les cellules souches iPS[2] ». D’autres chercheurs préfèrent se tourner vers de nouvelles sources de financement pour continuer à utiliser les tissus fœtaux. C’est le cas de Thomas Reh, un biologiste de l’Université de Washington, qui indique que les travaux de son équipe « sont actuellement soutenus par une subvention de l’Open Philanthropy Project, une organisation à but non lucratif ».
En Californie, l’agence des cellules souches de l’État, le California Institute for Regenerative Medicine (CIRM), « finance des études sur les cellules souches à partir de tissus fœtaux depuis sa création en 2004 ». Un projet de loi « prévoyant un financement du CIRM à hauteur de 5,5 milliards de dollars sera soumis aux électeurs en novembre ».
Pour aller plus loin :
Ventes illégales de fœtus : le Planned Parenthood indemnisé à hauteur de 2,3 millions de dollars
Pr Philippe Menasché : « La recherche sur l’embryon nous renvoie directement à la PMA »
Première transplantation de cellules cardiaques fabriquées à base de cellules iPS
[1] National Institutes of Health.
[2] Induced pluripotent stem cells.
The Scientist, Diana Kwon (02/03/2020)