La Cour de cassation dit « non »
L’enfant qui n’est pas encore né peut-il être victime d’un homicide involontaire ? A cette question, les juridictions répressives et la Cour de cassation elle-même ont répondu par l’affirmative pendant plus de cent ans. Le droit pénal a, en effet, pour finalité la protection de valeurs au premier rang desquelles figure la vie humaine. La loi (article 16 du code civil) pose le principe du respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. Deux situations sont en général à l’origine des poursuites : l’accident de la circulation occasionné par le comportement fautif d’un automobiliste, les fautes d’imprudence ou de négligence commises par un membre du corps médical.
Mais par un arrêt d’assemblée plénière du 29 juin 20011, la Cour de cassation, brisant une jurisprudence plus que séculaire, a jugé que le délit d’homicide involontaire ne pouvait être commis sur l’enfant à naître, quel que soit son degré de développement. En l’espèce, l’accident provoqué par un automobiliste en état d’ébriété avait causé la mort d’un fœtus de six mois tué sur le coup.
Ce refus de protéger pénalement la vie de l‘enfant à naître –ce que nous avons tous été- est d’autant plus surprenant que grâce aux progrès de la médecine fœtale, cet enfant est aujourd’hui visible, sexué, soigné, qu’il est possible de lui donner un prénom avant sa naissance, de faire établir par l’état civil un acte d’enfant sans vie et d’organiser ses obsèques. Comment dans ces conditions, expliquer aux parents qu’ils n’ont rien perdu et que l’enfant qu’ils attendaient n’était qu’un objet destructible ?
Plutôt mort que blessé
Par ailleurs, il n’est guère cohérent d’exclure le délit d’homicide involontaire lorsque l’enfant meurt in utero et de retenir ce même délit s’il naît vivant et décède des suites de ses blessures.
Sur le plan criminologique, il est difficile d’admettre que l’automobiliste maladroit ou imprudent puisse tuer l’enfant d’une femme enceinte en n’encourant qu’une peine de simple police si les blessures infligées à la femme sont légères. Cet automobiliste aura avantage à la mort immédiate de l’enfant car sa survie l’exposerait non seulement à des poursuites pénales mais aussi à indemniser un éventuel handicap. Ce paradoxe est exacerbé quand il s’agit d’un médecin ou d’une sage-femme qui ayant causé des blessures à l’enfant in utero, aura tout intérêt à ce qu’il ne naisse pas vivant alors qu’il a sa vie entre ses mains. Pareille situation n’est-elle pas de nature à éveiller les pires soupçons ?
La Cour de cassation aura à se prononcer prochainement sur un pourvoi dirigé contre un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 19 janvier 2000 qui a qualifié d’homicide involontaire la mort d’un fœtus de neuf mois causée par une faute médicale alors que la mère venait d’entrer dans une clinique pour y accoucher.
Va-t-elle dire, une fois de plus, que cette mort devrait rester impunie ? Affaire à suivre…
1 – Réf : article « Le fœtus est-il autrui ? » Gènéthique N°19 – juillet 2001