Guide politique de bioéthique – sous la dir. d’E. Montfort et P-O. Arduin

Publié le 30 Juin, 2008

Un Guide : pour quoi ?

 

Quelques mois avant la révision des lois de bioéthique de 2004, prévue pour fin 2009 ou début 2010, il y a ceux qui s’intéressent de près à ces sujets délicats et ceux qui les évitent en pensant “c’est trop compliqué pour moi” ou “tout est déjà joué, à quoi bon ?“. Il est vrai que la révision de 2004 n’avait pas été un exemple de débat démocratique.

 

Pourtant, quelques signes laissent espérer cette fois un autre ton dans les débats et le Guide politique de bioéthique1 édité par l’Association pour la Fondation de Service Politique en juin 2008, nous propose de les décrypter. Sous la direction d’Elizabeth Montfort et de Pierre-Oliver Arduin, le dossier est enrichi de nombreuses contributions tant philosophiques que scientifiques ou juridiques. Y ont collaboré : Nicolas Forraz, Henri Bléhaut, Jean-Marie Le Méné, Tugdual Derville, Nicolas Mathey, Aude Mirkovic, Miroslaw Mikolazic et Jean-Frédéric Poisson. Ce Guide a pour but d’éclairer le citoyen et de l’aider à prendre toute sa part dans un débat qui ne doit pas être confisqué par le législateur et les scientifiques. Pour construire véritablement le débat il convient d’oser poser plusieurs questions fondamentales : qu’est-ce que la bioéthique ? Pourquoi une révision tous les cinq ans ? L’objet de ces lois est-il de mieux protéger l’être humain ou, au contraire, d’ouvrir de nouvelles brèches dans le mur des protections que le droit a toujours garanti ?

 

Aujourd’hui le droit suit les mœurs et c’est le progrès qui décide de la personne humaine. Or, est-il correct de dire ou laisser dire que le législateur et le scientifique disposeraient du “droit à l’enfant” et du “droit à la santé” ?

 

Ambiguïtés

 

De l’ambiguïté du mot “bioéthique” développée par Elizabeth Montfort, à la confusion des mots décrite par Jean-Marie Le Méné, le lecteur pressent qu’il est plus que temps pour lui de tâcher de dissiper le brouillard, s’il veut assumer sa responsabilité d’électeur. Parce que le rapport entre les mots et les choses est un révélateur puissant des intentions de celui qui parle ou écrit, l’électeur doit s’informer. Jean Marie Le Méné évoque les “mots combattants” qui ont pour vocation non pas seulement de dépeindre la réalité mais de la créer. Les meilleurs exemples étant l’avortement transformé en IVG ou IMG, et bien sûr le clonage dit “thérapeutique” pour essayer de le faire accepter alors qu’il n’est en rien thérapeutique. Tugdual Derville évoque de son coté les “sables mouvants” français qui rendent difficile et parfois impossible le débat, notamment sur les questions d’assistance médicale à la procréation (AMP). Trop souvent les apparents “bons sentiments” sont jetés en pâture pour noyer la réflexion, l’affect l’emportant sur le rationnel, au mépris de la réalité biologique ou psychologique. Nicolas Mathey, dans son analyse juridique, remarque que la loi de 2004 est très ambiguë et qu’elle contient de nombreuses incohérences qui la conduisent à biaiser la réalité et les résultats scientifiques. Idée développée également par Aude Mirkovic qui montre que certaines pratiques sont autorisées par la loi alors que d’autres ne le sont pas, sans que l’on comprenne ce qui justifie les solutions retenues. Le Conseil d’Etat lui-même reconnaît que “les textes actuels peinent (…) à trouver une totale cohérence interne2. La recherche sur l’embryon en est un exemple manifeste et le chapitre consacré aux états de la recherche sur les cellules souches adultes et de sang de cordon par Nicolas Forraz l’illustre bien.

 

Embryon : être humain, personne ?

 

Tout repose évidemment sur le respect que l’on porte à l’embryon. Etre humain ? Personne humaine ? Le Docteur Henri Bléhaut, nous invite, sur le plan scientifique, à considérer l’humanité de l’embryon. Ce n’est ni une question de foi ni le résultat d’une démonstration philosophique, mais seulement l’évidence d’une réalité d’un être qui existe, biologiquement, physiquement, et indépendamment de nous et du nom qu’on veut lui donner.

 

Quant à savoir s’il est une personne, Aude Mirkovic s’interroge : “pourquoi dès lors qu’il s’agit de l’embryon, pense-t-on qu’il faut décider s’il est une personne ou non ?“. Comme si on confondait trop souvent la notion de personne humaine avec celle de personne juridique. La personnalité juridique “n’épuise” pas toute la personne humaine. Il convient donc de s’interroger : souhaitons-nous une société où certains êtres humains ne seraient pas reconnus comme des personnes humaines ?

 

Renverser la charge de la preuve

 

Jean-Marie Le Méné de son côté montre combien les défenseurs de l’embryon gagneraient à refuser de démontrer l’évidence. “A ceux qui exigent une preuve en bonne et due forme de l’humanité de l’embryon, répondez que vous refusez par principe de suivre cette voie. Réfugiez-vous avec insolence derrière le mot d’Aristote : “C’est être un rustre que de ne pas savoir distinguer entre ce qui exige de nous une démonstration, et ce qui, au contraire, nous en dispense””. C’est au contraire celui qui veut détruire l’embryon qui doit prouver d’abord que l’embryon n’est pas un homme. Or, c’est impossible.

 

La bioéthique et la loi

 

La contribution de Miroslaw Mikolazic, député européen et membre de la commission Environnement, Santé publique et Sécurité alimentaire, montre combien ces débats vifs en France le sont aussi à Bruxelles. La Résolution sur le commerce d’ovules humains et le vote sur le VIIème Programme cadre pour la recherche et le développement, ont provoqué des discussions éthiques houleuses dans l’hémicycle européen. La majorité du Parlement a finalement voté en faveur du financement de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

 

Qu’en sera-t-il en France ? Jean Frédéric Poisson, député des Yvelines, nous montre que la bioéthique est un véritable problème politique au sens où l’entendait Georges Pompidou : le propre de la responsabilité politique est de ne pouvoir choisir qu’entre des inconvénients. Mais “la bioéthique – comme beaucoup d’autres domaines à la charge symbolique lourde – réclame l’affirmation de limites, parce que les humains doivent s’entendre dire, y compris par la loi, quelle est leur condition et quelles en sont les exigences“.

 

 

1- Guide Politique de bioéthique, Association pour la Fondation de Service Politique, Editions Privat, juin 2008
2- Réflexions du Conseil d’Etat sur le droit de la santé, Rapport public, 1997, La Documentation française, Etudes et Documents n°49, p.286

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