Grégor Puppinck : L’objection de conscience « rappelle que la justice est située au-delà du droit positif »

Publié le 7 Juin, 2018

Alors qu’aux Etats-Unis, le droit à l’objection de conscience vient d’être reconnu à un pâtissier qui avait refusé de réalisé le gâteau de mariage de deux homosexuels, Grégor Puppinck était interrogé sur la liberté de conscience des pharmaciens.

L’un d’eux « a récemment été condamné pour avoir refusé de délivrer un stérilet à une militante du Planning familial venue pour le tester ». Il a déposé une requête auprès de la CEDH pour faire valoir sa liberté de conscience. Grégor Puppinck rappelle que « son cas est loin d’être isolé ». De nombreux pharmaciens ont « été licenciés ou contraints d’abandonner l’exercice de leur profession par fidélité à leurs convictions ». Une jeune fille s’est réorientée « après six années d’études, pour éviter la violation de sa conscience : ‘parce que la pilule du lendemain […] va empêcher la nidation, je me dis que je ne peux pas empêcher [un] petit être de vivre ; je vais participer, en vendant la pilule du lendemain à l’interruption de sa vie, donc en conscience je ne peux pas’. Toutes ses collègues qui ne voulaient pas vendre la pilule du lendemain sont parties, précise-t-elle, ‘parce qu’en pratique ce n’est pas possible’ ». En France, les pharmaciens sont les seuls à qui l’objection de conscience est refusée alors qu’ils ont « un rôle de soignant et de conseil ». Un pharmacien explique que certaines jeunes filles l’ont remercié : « Le fait que vous ayez refusé la vente m’a permis de voir les choses autrement et de mûrir ma décision ».

Historiquement, l’objection de conscience est liée au « développement de la société libérale et sa déconnexion du droit de la morale ». Suite aux procès de Nuremberg, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, « a clairement reconnu que la conscience personnelle est toujours au-dessus des lois positives : elle doit les juger, et éventuellement refuser de s’y conformer ». Dans les sociétés libérales, la coexistence « deux niveaux de moralité – un public et un privé, conduisant d’une part la société à dépénaliser des pratiques ‘immorales’ privées, et d’autre part les individus à tolérer socialement des pratiques qu’ils réprouvent à titre privé ». Grégor Puppinck le rappelle : « C’est une chose de tolérer l’euthanasie, c’en est une autre de devoir la pratiquer soi-même ». De ce fait, « la liberté que la société libérale accorde aux individus à l’égard de pratiques moralement débattues et qui ont souvent été longtemps prohibées ne peut être équitable que si elle garantit à ceux qui les réprouvent moralement le droit de ne pas être contraint d’y concourir. La clause de conscience garantit précisément ce droit ».

L’objection de conscience « rappelle que la justice est située au-delà du droit positif et c’est bien là toute la difficulté. Sa pratique est un signal d’alerte pour toute la société. Si de nombreuses personnes refusent de pratiquer un acte, les autorités publiques ne devraient pas chercher à les y forcer, mais plutôt s’interroger sur les causes de ce refus, car ce n’est pas la loi, mais bien la conscience personnelle qui est l’ultime juge et témoin de la justice ».

Pour aller plus loin :

La clause de conscience des pharmaciens est un droit de l’homme

Quid de l’objection de conscience ?

Le Figaro, Paul Suguy (06/06/2018) – Quelle place pour la liberté de conscience dans les sociétés libérales ?

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