Selon le quotidien britannique The Guardian, trois équipes de recherche à Londres, Edimbourg et Newcastle, ont demandé à l’Agence sur la fertilisation et l’embryologie humaines (HFEA), l’autorisation de créer des embryons en introduisant des cellules humaines dans des ovocytes animaux. Parmi les laboratoires concernés figure le Roslin Institute d’Edimbourg où fut clonée la brebis Dolly.
Le projet des scientifiques consiste à retirer le noyau d’un embryon de lapine ou de vache pour le remplacer par des cellules humaines, conduisant à former un embryon contenant essentiellement des gènes humains et un soupçon d’ADN animal. Si l’autorisation est accordée par l’HFEA, organisme "compétent" en Grande-Bretagne en matière de bioéthique, les embryons chimères seront cultivés pendant 14 jours, délai autorisé dans le pays.
Par ailleurs, les équipes du King’s College de Londres et de l’Université d’Edimbourg ont l’intention de créer des cellules souches porteuses de défauts génétiques responsables d’affection neurodégénératives. Elles espèrent mieux comprendre le mécanisme de lésion des nerfs conduisant par exemple à l’infirmité motrice cérébrale. Les chercheurs de Newscastle entendent introduire des cellules de peau dans les ovocytes d’animaux afin d’étudier comment ceux-ci peuvent "reprogrammer" des tissus adultes pour en faire des cellules malléables et sans risque de rejet, en cas de transplantation.
Ce n’est pas la première fois que des chimères seraient créées. En 1998, l’équipe du Laboratoire Advanced Cell Technology avait implanté des cellules humaines dans un ovule de vache. En 2003, une équipe chinoise avait fait la même manipulation pour produire un embryon "homme-lapin". Rappelons que la Grande Bretagne a été le premier pays d’Europe à autoriser en 2004, la création d’embryons humains à des fins de recherche.
Jean-Claude Ameisen, président du comité d’éthique de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), estime que les expériences envisagées en Grande-Bretagne, "pourraient a priori résoudre certains problèmes éthiques liés au clonage à visée thérapeutique". Elles éviteraient "notamment le recours au don d’ovocytes qui peut présenter un risque pour la santé de la femme. Mais pour les personnes qui refusent la création d’un embryon humain à seule fin de destruction pour la recherche, elle rajoute un problème éthique : celle du statut, à la fois humain et animal, de tels embryons". Pour lui, tous ces problèmes éthiques "pourraient être résolus si l’on parvenait, comme une toute récente étude menée chez la souris le démontre, à transformer dans un tube à essais des cellules prélevées sur un corps adulte en cellules ayant les mêmes propriétés que des cellules souches embryonnaires".
En France, la loi de bioéthique du 6 août 2004 prohibe la création, par clonage, d’embryons humains et toute création d’embryons pour la recherche.
Le Monde (Jean-Yves Nau) 07/10/06 – La Croix (Laurent d’Ersu) 09/10/06