GPA en France : la CEDH statue en faveur de l’intérêt de l’enfant

Publié le 7 Avr, 2022

Jeudi 7 avril, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a statué dans une affaire de gestation par autrui réalisée en France [1]. En rappelant « la primauté qui doit être conférée à l’intérêt de l’enfant ».

Un enfant tiraillé entre cinq adultes

Deux hommes voulant recourir à la GPA recrutent une mère porteuse française sur internet en 2012. Elle tombe enceinte de l’un d’eux, le requérant A.L., mais elle propose ensuite l’enfant à un couple, M. et Mme R., contre une somme de 15 000 euros. L’enfant naît le 8 mars 2013. Son acte de naissance indique le nom de la mère porteuse et celui de M.R. Ce dernier l’avait reconnu de façon anticipée le 17 septembre 2012. Tout comme le conjoint du requérant, quelques jours auparavant.

A sa naissance la mère porteuse le confie à M. et Mme R. Mais un membre du personnel où elle a accouché a des doutes. Une enquête est ouverte et la mère porteuse est condamnée pour escroquerie. Le couple et les deux hommes pour « provocation à l’abandon ».

Un jugement qui priorise l’intérêt de l’enfant

Le 19 juillet 2013 A.L. entame une procédure de contestation en paternité. Il est le père biologique de cet enfant. Le tribunal lui donne raison en première instance et statue en sa faveur le 23 mars 2017. Selon le jugement, A.L. est le père de l’enfant, l’enfant doit porter son nom. Il obtient « l’exercice exclusif de l’autorité parentale ». La Cour fixe également la résidence de l’enfant chez lui « à compter du 9 décembre 2017 ». Entre temps, elle demeure chez les époux R. A.L. obtient « un droit de visite et d’hébergement progressif selon un calendrier ». Le tribunal ordonne l’exécution provisoire de ce jugement « au motif que “le temps passant, il sera plus difficile pour [S.] de s’adapter à sa nouvelle identité et à sa nouvelle famille ».

Mais la Cour d’appel de Rouen, confirmée plus tard par la Cour de cassation, est d’un autre avis. Pour le premier président de cette juridiction, seul l’intérêt de l’enfant devait guider la décision. Et la décision du tribunal de première instance, « notamment son transfert de résidence, même progressivement organisé, présentait de forts risques d’entraîner pour lui non seulement beaucoup d’incompréhension, de chagrin et d’angoisse, mais aussi d’importantes difficultés psychiques ». A.L. est débouté. Il décide de recourir à la CEDH.

La décision de la France validée

Saisie le 9 mars 2020, la CEDH vient de rendre sa décision. Pour la CEDH, la décision de la Cour d’appel de Rouen « constituait le seul moyen de régler la situation confuse et délicate dans laquelle se trouvait l’enfant S., situation dont chacun des adultes protagonistes portait une part de responsabilité, la mère biologique de l’enfant, comme le requérant, son conjoint et les époux R ».

La CEDH ne retient contre la France que la durée de la procédure. Agé de quatre mois au début du recours, la décision finale a été rendue alors que l’enfant avait plus de six ans. La France devra verser 5 000 euros au requérant pour « dommage moral », et un peu plus de 20 000 euros pour « frais et dépens ». Une condamnation qui « ne saurait être interprété[e] comme mettant en cause l’appréciation de la cour d’appel de Rouen de l’intérêt supérieur de l’enfant S. et sa décision de rejeter les demandes du requérant, confirmées par la Cour de cassation ».

Dans cette “tragédie moderne”, la CEDH a sans doute validé la moins mauvaise des solutions. Mais vendu deux fois par sa mère biologique, cet enfant parviendra-t-il à se construire ?

 

[1] Arrêt A. L. c. France

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