GPA dans les médias : le coup de gueule !

Publié le 19 Oct, 2021

La publication du livre de Christophe Beaugrand est l’occasion d’une apologie de la GPA dans les médias. Ludovine de la Rochère, présidente de la Manif pour Tous, réagit.

Gènéthique : Vous accusez le service public de faire la promotion de la GPA, vous parlez même de propagande et vous saisissez le CSA, pour quelles raisons ?

Ludovine de la Rochère : France info, le Parisien, Europe 1, C à dire ?! sur France 5 ou encore La Maison des Maternelles sur France 2 ont accueilli Christophe Beaugrand en pleine promotion de son livre sur l’accueil de son fils, né aux Etats-Unis d’une mère porteuse. Dans l’émission La Maison des Maternelles, une émission qui touche un public familial, la séquence dure plus de 18 minutes sans qu’aucun contradicteur ne vienne tempérer ses propos. Les présentations des journalistes tiennent de la désinformation, parce qu’ils font complètement l’impasse sur la réalité de la gestation par autrui, se rendant complices de ce qu’ils décrivent. Si les rédactions poussent des cris d’orfraie à la moindre atteinte à la femme, là brusquement elles taisent l’exploitation, estiment que la maternité n’est rien, qu’elle n’a pas de conséquence sur la femme…

Or les médias et notre service public ont une obligation d’équilibre dans le débat. Le 11 octobre dernier, l’interdiction en France de la GPA est évoquée du bout des lèvres par l’animatrice de l’émission, Agathe Lecaron, l’argumentaire est complétement pro-GPA et le psychologue qui intervient en fin de séance ne fait qu’abonder : au journaliste qui avance que les enfants sont plus épanouis quand ils sont élevés par un couple homosexuel « parce qu’ils sont plus suivis par des psys », ce qui n’est pas forcément signe qu’ils vont bien, le psy ne répond rien, suggérant qu’il cautionne ces propos. Il y a une immense hypocrisie, un mensonge assumé qui masque l’indignité de la pratique qui consiste à priver délibérément un enfant de mère pour toujours. Christophe Beaugrand a beau préciser que son fils est entouré de présences féminines, sa grand-mère, une nounou,… reconnaissant par là même le besoin d’altérité, elles ne peuvent remplacer une mère. Il est accueilli sur les plateaux comme un héros, alors que la GPA qu’il promeut est une tragédie.

G : Christophe Beaugrand parle de contribuer à faire évoluer les mentalités. Pensez-vous que l’émission contribue à une vulgarisation de la GPA en France ?

LdlR : L’objectif de ces interventions est clairement militant. Il présente son histoire comme merveilleuse et il écarte les conditions sordides de la mise en œuvre : le contrat, l’argent, éventuellement l’emprunt, les questions d’avocat, d’assurance… Tout est masqué derrière un paravent sentimental. Dans un contexte émotionnel, la raison est en retrait alors qu’elle est justement fondamentale parce qu’elle touche la vie d’enfants qui ne pourront jamais dire « Maman ».

G : L’animatrice semble justifier sa présentation par l’existence d’une GPA « éthique ». En quoi est-ce problématique ?

LdlR : La GPA « éthique » n’existe pas ! Ces femmes sont louées, c’est une forme d’esclavage. Il n’y a pas plus sexiste qu’une GPA. Les contrats qu’on leur impose sont liberticides. Invisibilisées, elles sont traitées comme des incubatrices, leur dignité, tout comme celle de l’enfant, est piétinée. Ces pratiques progressistes et anti-famille font reculer la civilisation !

L’organisation internationale du travail qualifie la gestation par autrui de « travail forcé » et d’« exploitation sexuelle »[1]. De même, dans son arrêt de juin 2021, la CEDH considère que la GPA pose des problèmes « éthiques et humains »[2]. Sur le plan juridique, cette pratique ne peut pas être traitée sans contradictions parce qu’il est impossible de créer une situation où l’enfant est privé de mère.

D’un point de vue purement financier, parler de GPA « éthique » est un non-sens : tous les intermédiaires sont grassement payés : avocat, médecins… sauf… la mère porteuse qui devrait être « bénévole » !

Quelle que soit sa forme, la GPA est en elle-même une dérive et comme telle relève de l’article 1 de la convention sur l’esclavage[3]. Quand on loue une femme, on est dans l’esclavage. Les argumentaires des agences de GPA qui recrutent les femmes font toujours miroiter l’argent qui est, in fine, le seul argument susceptible de conduire une femme à devenir mère porteuse. Là où la GPA n’est pas rémunérée, il y a moins de femmes candidates. Et celles qui portent l’enfant d’une sœur ou d’une amie, subissent en fait d’énormes pressions.

Quelles que soient les formes d’exploitation, les victimes peuvent se dire « consentantes ». Elles n’en restent pas moins des victimes. Victimes d’adultes tyrans, d’adultes rois qui ne savent pas gérer leurs désirs.

Et du côté de l’enfant, les parents ne sont pas propriétaires de leurs enfants, ils ne peuvent pas les donner. Alors ?

G : La GPA en salle de travail est-elle, comme le suggère Christophe Beaugrand, une « réunion d’amour autour d’un beau projet » ?

LdlR : L’amour commence par le respect de l’autre, de son besoin de connaître d’où il vient, du lien fondamental qui le rattache à une mère. Ce qui est monstrueux, c’est qu’il est impossible à l’enfant de savoir qui est sa mère parce qu’il y a une dissociation entre la donneuse d’ovocytes, sélectionnée sur catalogue, et la mère porteuse. Cette dissociation est intentionnelle : il faut éviter que la mère porteuse ne s’approprie l’enfant, mais elle ignore les liens épigénétiques qui sont tissés entre la mère porteuse et l’enfant tout au long de la grossesse. Plus radicalement, c’est l’ascendance qui est brouillée parce qu’il faut ajouter le conjoint de la mère porteuse, la mère sociale, le vendeur de sperme… L’enfant né par GPA peut avoir jusqu’à six « parents » ! Autant dire, la GPA explose littéralement la filiation. Comment donner des repères à un enfant quand toute possibilité de savoir d’où il vient est annihilée ? Quand on voit le succès des sites généalogiques, on ne peut que s’interroger.

G : Qu’attendez-vous de cette saisine ?

LdlR : Nous voulons que, sur ces questions extrêmement sensibles, les affirmations complices, stupéfiantes à force de manque d’objectivité, cessent, et qu’il y ait un contradictoire équilibré avec des temps de parole et un nombre d’intervenants équivalents. Il faut sortir d’une présentation marketing, bien lisse, et informer réellement les auditeurs qui, souvent, n’y connaissent rien. Le CSA a deux mois pour répondre. Nous espérons qu’il prenne acte du problème. Partout dans les institutions, des personnes s’opposent à ce principe, mais elles n’osent pas parler. Parler, c’est être ostracisé.

Au-delà du délai de deux mois, si nous n’avons pas de réponse, ce sera le signe que notre demande est rejetée. Ce qui est peu probable compte tenu des enjeux humains. Pour autant la complicité de certains tribunaux, de certains médias ou de certains « people » n’aide pas.

G : Comment réagir ?

LdlR : Il faut aller sur le site internet du CSA et déposer une plainte au sujet de l’émission du 11 octobre de la Maison des Maternelles de France 2 ! Il faut réagir ! C’est le moment ! La promotion autour du livre de Christophe Beaugrand s’inscrit dans une tactique qui vise à faire évoluer la loi et on commence à prétendre que les Français sont majoritairement d’accord. Plus on agit tôt, plus on est efficace.

De son côté, le CSA déclare régulièrement qu’il a reçu des plaintes et il est indispensable que le nombre d’alertes soit important pour qu’elles soient prises en compte. Sinon, les médias vont continuer à distiller leur propagande. Alors que, dans le fond, ils ont les yeux rivés sur l’audimat…

 

[1] Organisation internationale du travail, The work in freedom, p. 43.

[2] Résolution du Parlement européen du 21 janvier 2021 sur la stratégie de l’Union européenne en faveur de l’égalité des genres, 2019/2169 (INI), §32 et Rapport Lopez-Aguilar sur la mise en œuvre de la directive 2011/36 /UE relative à la prévention et à la lutte contre la traite des êtres humains et à la protection de ses victimes, 2020/2029 (INI), §28.

[3] Convention relative à l’esclavage, l’article 1er stipule : « L’esclavage est l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux ». NdlR : La GPA est bien, juridiquement, une forme d’esclavage.

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