Le 18 mai, lors de sa conférence annuelle dédiée aux développeurs, Google a présenté un aperçu d’un « nouvel outil d’intelligence artificielle qui informe les utilisateurs sur l’état de leur peau, de leurs cheveux et de leurs ongles ». A partir de trois photos de la zone concernée prises par l’utilisateur, et d’informations complémentaires telles que la durée du problème ou d’autres symptômes éventuels, Derm Assist utilise les informations relatives à « 288 affections cutanées » pour suggérer « une liste d’affections correspondantes possibles ». Pour chacune d’entre elles, l’application propose alors une description de la pathologie « évaluée par un dermatologue », ainsi que des réponses aux questions les plus fréquentes, et « des images similaires sur le Web ». L’outil qui doit être lancé « dans le courant de l’année 2021 », « n’est pas destiné à fournir un diagnostic ni à se substituer à un avis médical » précise toutefois Google.
Les médecins inquiets
« Je crains qu’avec un ordinateur les gens négligent de consulter un médecin ou que l’algorithme ne passe à côté de quelque chose de complexe », a déclaré l’ancien président de l’Australasian College of Dermatologists, le Dr Andrew Miller.
De son côté, le Dr Ray Moynihan, professeur adjoint de l’université Bond en Australie, craint « un tsunami de surdiagnostics ». « Il y a beaucoup d’argent à gagner en disant à des personnes en bonne santé qu’elles sont malades », explique-t-il. Alors que détecter au plus tôt les cancers de la peau mortels est « essentiel » pour améliorer le succès du traitement, « on craint de plus en plus que des lésions inoffensives soient diagnostiquées comme des mélanomes, avec pour conséquences des traitements inutiles, une détresse psychologique et des coûts médicaux », précise-t-il, évoquant une étude publiée par le Medical Journal of Australia en 2020 qui a révélé que « 58% des mélanomes étaient surdiagnostiqués ».
L’IA ne remplacera pas le médecin
La phase de diagnostic « passe le plus souvent par un échange entre le patient et son médecin, puis par des conversations expertes entre spécialistes, confrontant leurs points de vue, mobilisant leur expérience, pour les cas qui l’exigent », rappelle Damien Gromier, fondateur de l’initiative AI for Good. Un processus pour lequel l’intelligence artificielle n’est pas conçue. Même si elle peut permettre d’« effectuer un premier tri parmi certaines hypothèses de diagnostic », elle ne peut se substituer aux professionnels de santé, affirme-t-il.
Et « le soin ne se limite pas au diagnostic » rappelle Damien Gromier. « La santé s’inscrit dans un parcours, qui part du soupçon d’une pathologie, manifestée par un ou plusieurs symptômes, passe par plusieurs étapes de diagnostic, pouvant mettre en jeu des examens, se poursuit par le choix d’options thérapeutiques… » Autant d’étapes pour lesquelles l’intervention humaine est « essentielle ».
Sources : Tech Xplore, Sarah Katz (19/05/2021) ; The Guardian, Melissa Davey (20/05/2021) ; Atlantico, Damien Gromier (21/05/2021) – Photo : iStock