Fin de vie : Olivier Falorni auditionne des experts avant l’examen de son texte [3/3]

Publié le 30 Mar, 2021

Le 8 avril, les députés débattront de la proposition de loi « donnant droit à une fin de vie libre et choisie » déposée par Olivier Falorni. Malgré le rejet d’un texte similaire au Sénat mi-mars (cf. Le Sénat rejette l’euthanasie, le gouvernement fait des annonces), le militantisme euthanasique avance.  En prévision des débats, Olivier Falorni a mené durant trois jours des auditions d’intervenants de tous bords. Gènéthique reproduit ici les contributions de la délégation de la Fondation Jérôme Lejeune, entendue le 24 mars.

 

Conclusion de Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune [1]

En tant qu’observateur des lois de bioéthique depuis plus de 25 ans, permettez-moi d’insister sur la phrase de l’exposé des motifs qui dispose que « l’exercice du droit de mourir médicalement assisté doit bien sûr être très strictement encadré par des règles et procédures d’une extrême précision ». L’accumulation de ces superlatifs sécurisants et volontaristes, que l’on trouve dans tous les exposés des motifs des lois sociétales, signifie deux choses :

  • D’abord, c’est une présentation euphémisante de la réalité. Il est nécessaire de voter un texte qui va nous protéger d’un risque, celui de « favoriser une multitude de dérives » comme cela est exprimé plus loin dans la phrase qui dit que « la loi belge a balisé strictement l’aide active à mourir alors que près de 2000 actes d’euthanasie clandestine – donc de facto criminels – sont pratiqués en France sans aucun contrôle, de façon notoire ». La nécessité de voter un texte-barrage contre la clandestinité s’impose donc. La Proposition de loi n’apparaît plus comme une transgression nouvelle mais comme un retour vers la norme qui protège et rassure. Ce qui est un comble puisqu’il s’agit bien de légaliser ce qui est illégal. Pour être en règle, changeons la règle. C’est le phénomène bien connu des « illégalités fécondes » qui fonctionne systématiquement et qui est indispensable dans le vote des lois sociétales.

 

  • Ensuite, le texte promet une dérégulation attendue. Le nouveau principe de l’aide active à mourir étant adopté, il sera appelé nécessairement à évoluer. Il sera normal que le texte se déploie dans toutes ses possibilités. Il n’y a aucune raison en effet de réserver une telle avancée sociétale aux personnes capables et majeures, ce qui serait inégalitaire, aucune raison d’imposer des entretiens et des délais, ce qui serait infantilisant, aucune raison de produire des rapports sur l’état de santé d’une personne qui peut décider souverainement de mourir ou sur les conditions du décès (curieusement présumé naturel), ce qui serait suspicieux, enfin aucune raison d’instituer une commission nationale de contrôle puisque l’irréparable aura été commis. Il n’existe pas d’exemple de lois de transgression qui, la rupture sociétale étant acquise, n’ai entraîné une dérégulation. Mieux, l’objection de conscience sera remise en cause et un délit d’entrave sera créé pour faire disparaître les opinions réfractaires. Tel est le paradoxe de ces lois qui se débarrassent du carcan qui leur a permis d’être votées. Censées encadrer les dérives, elles dérivent avec le cadre, puis
    sans cadre.

 

[1] (Préambule de Jean-Marie Le Méné) Notre fondation est un établissement reconnu d’utilité publique qui a une vocation scientifique et médicale dans le domaine du retard mental d’origine génétique. Nous avons en effet créé une consultation spécialisée et pluridisciplinaire qui est la plus importante d’Europe puisqu’elle compte plus de 10 000 patients de tous âges. En même temps, nous finançons de la recherche afin de mettre en échec le retard mental et ainsi de rendre aux personnes concernées les aptitudes qu’elles portent en elles mais qu’elles ne peuvent pas exprimer pleinement.
Cette précision sur l’objet statutaire de la fondation était nécessaire car elle fonde les deux raisons, externe et interne, pour lesquelles nous sommes intervenus dans l’affaire Vincent Lambert, ce qui justifie je suppose notre audition aujourd’hui.
D’abord, c’est le Dr Pierre Lambert qui m’a demandé dès 2013 de l’aider à défendre son fils Vincent qui avait fait l’objet d’un premier arrêt d’alimentation et d’hydratation en application de la loi Léonetti de 2005 (il en a fallu quatre procédures de fin de vie en tout), alors que ce jeune homme de 38 ans était en état de conscience altérée depuis un accident de voiture intervenu cinq ans plus tôt. En effet, la fondation exerce une médecine hippocratique, c’est-à-dire tout à fait classique, qui fait prévaloir l’intérêt du patient sur les mœurs du milieu médical et considère qu’il n’est pas de l’intérêt du patient d’être supprimé par ceux qui ne savent pas ou ne veulent plus s’en occuper. Or, la première loi Léonetti contenait la possibilité d’arrêter tout traitement, déjà comprise comme celle d’arrêter aussi l’alimentation et l’hydratation, ce qu’a d’ailleurs confirmé le Conseil d’Etat en 2014, mais ce que nous avions décelé et contesté dès 2005 parce que si les traitements inutiles doivent être arrêtés, les soins de base sont toujours dus.
Ensuite, la raison interne de notre intérêt dans cette affaire tenait au sort très particulier que la loi Léonetti réserve à ceux qui ne peuvent pas donner leur consentement, comme Vincent Lambert mais aussi comme toutes les personnes handicapées mentales vieillissantes qui finiront peut-être leurs jours en institution. Ces personnes qui nous sont chères parce que nous les soignons depuis 60 ans pour certaines d’entre elles, mais qui ne peuvent donner leur consentement, il est hors de question qu’un médecin décide d’arrêter leur nutrition et leur hydratation et de les plonger dans une sédation profonde et continue jusqu’à la mort.
Ces patients méritent d’être soignés et traités dignement par la médecine et il y a des établissements qui savent très bien et qui veulent le faire. Il y a un mot que le médecin ne peut jamais dire à son patient, c’est qu’il ne peut rien faire pour lui, parce que c’est faux.
Entretenir cet échange de désespoir entre le médecin et le patient est intrinsèquement destructeur. Ce n’est pas le rôle du médecin de souffler sur la flamme qui vacille.

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