Fin de vie: “Même une personne vulnérable, fragile, abîmée reste digne jusqu’au bout”

Publié le 15 Oct, 2012

Prendre soin des "personnes très âgées […] fatiguées de vivre" est "une situation que connaissent bien tous les gériatres". C’est à cette situation que le quotidien La Croix a choisi de s’intéresser dans le cadre de son dossier "Fin de vie".

"Ce n’est pas la peine de vous fatiguer, docteur. Je n’ai plus envie de vivre. Ce que je veux, c’est juste qu’on me laisse tranquille" est une phrase qu’entend souvent "un médecin [lorsqu’il] parle de soins, de traitements, parfois même d’avenir" à un patient âgé. A ce titre, le Dr Philippe Taurand, gériatre et chef du pôle de médecine interne à l’hôpital Simone Veil d’Eaubonne-Montmaurency, explique : "cela nous arrive régulièrement de voir des patients très âgés qui tiennent ce discours de renoncement à la vie. Et à chaque fois, c’est bien sûr une forte interpellation pour nous".
Mais de manière générale, "les gériatres s’accordent sur un point : chez les personnes très âgées, les demandes d’euthanasie restent rares […]. S’il faut toujours rester prudent face à ces sollicitations qui sont souvent fluctuantes", il ajoute : "nous avons tous connus des personnes qui, un jour, veulent mourir et qui, quelques jours plus tard, ne le souhaitent plus du tout". Ce constat, le Dr Elisabeth Quignard, gériatre et membre de l’unité de soins palliatifs de l’hôpital de Troyes, le confirme : "les vieillards qui disent ne plus avoir envie de vivre n’utilisent jamais ce mot d’euthanasie. Ils demandent à ‘en finir’… et tout notre travail est de comprendre ce qui, pour eux, doit finir. Souvent, alors, on se rend compte que ce qui les habite, c’est ce sentiment que cette période de la fin de vie dure longtemps. […]. C’est durant cette période, qu’en gériatrie nous appelons le ‘long mourir’, que ces gens très âgés expriment cette lassitude d’une existence devenue, à leurs yeux, inutile et vide de sens".

Christophe Trivalle, responsable de l’unité de soins de suite et de réadaptation pour les malades d’Alzheimer à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif, ajoute que "ce qui revient souvent, aussi, c’est ce sentiment d’être devenu une charge, de coûter cher à la ‘Sécu’ ou à la collectivité. Comme si ces patients avaient intégré ce discours si prégnant d’une société qui passe son temps à se demander ce que vont lui coûter ses ‘vieux’ ". Mais " derrière ces paroles de renoncement à la vie", la journaliste explique que "ces médecins du grand âge trouvent parfois autre chose. La peur, un jour, de souffrir sans pouvoir être soulagé. La peur, parfois, de cette solitude, compagne de tant d’années mais aujourd’hui vécue comme insupportable. La peur, enfin, pour certains de vivre une vieillesse dénuée de toute dignité". Mais dans ces cas, le Dr Elisabeth Quignard, explique : "notre rôle de médecins est de leur dire que même une personne vulnérable, fragile, abîmée reste digne jusqu’au bout. Parce que la dignité fait partie de son humanité".

Face à cette souffrance, "un [des] premiers reflexes [des médecins] est de voir si ces patients ne présentent pas un syndrome dépressif", car le Dr Elisabeth Quignard précise que "la dépression du sujet âgé est souvent trop méconnue. Il faut donc y être très attentif et ne pas hésiter à prescrire des antidépresseurs. Parfois on a vraiment de bonnes surprises avec des patients qui se remettent à aller nettement mieux", insistant également sur "la nécessité de prendre très au sérieux tout discours suicidaire". 
Confrontés à "ces patients qui n’ont plus le goût de la vie", la journaliste précise que les médecins "reconnaissent avec humilité [que] la médecine n’a pas de recette miracle à [leur] délivrer". Pour le Dr Taurand, "notre rôle est d’essayer de restaurer un climat de confiance, une relation à l’autre, de redonner du sens. Et, sans qu’on sache toujours pourquoi, on voit parfois des patients se remettre à espérer et se dire que la route va continuer encore un peu". Mais il ajoute que d’autres patients vont refuser "de continuer à prendre leur traitement voire parfois de s’alimenter" et, précise-t-il, "ces refus de soins laissent souvent mal à l’aise les soignants qui le vivent comme une remise en cause de la toute-puissance de la médecine […]". Pour le Dr Elisabeth Quignard "le devoir du médecin est de respecter la volonté du patient, y compris celle de ne plus être alimenté". Cependant, elle précise que "c’est important [que le patient] sache que, même si on cesse les traitements curatifs, on continuera à prendre soin de lui ". 

La Croix (Pierre Bienvault) 16/10/12

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