Euthanasie : pour le président de la MGEN, « le taux de suicide des personnes âgées montre que la demande est déjà là »

22 Avr, 2024

« Le taux de suicide des personnes âgées en France montre que la demande est déjà là » a déclaré Matthias Savignac, président de la MGEN, dans un entretien pour le journal Marianne [1]. « Quelle “demande” évoque ce grand humaniste ? » interroge sur X Laurent Frémont, enseignant à Sciences Po Paris et fondateur du collectif Tenir ta main. La demande d’une main tendue ? « La demande d’accompagnement de nos aînés ? La demande de fraternité envers les plus vulnérables ? » « Vous n’y êtes pas. Pour le président de la plus grande mutuelle française, la société doit répondre à la “demande” de suicide des personnes âgées en l’organisant », dénonce-t-il. « Résumer le corps social à une question d’offre et de demande, curieuse conception de la solidarité chère à l’esprit mutualiste » (cf. « La fin de vie n’est pas avant tout un sujet de liberté individuelle mais de solidarité collective »).

Un texte déjà « insuffisant »

Pour Matthias Savignac, le projet de loi sur la fin de vie, dont l’examen débute ce lundi en commission (cf. Euthanasie, suicide assisté : la commission spéciale de l’assemblée nationale débute ses travaux), est « une formidable avancée », même s’il veut dès à présent en faire sauter le « cadre ». « Il y a plus d’un an, nous avons constitué un Pacte progressiste avec Jonathan Denis de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et d’autres signataires, tels que la Fédération française de la crémation, pour faire bouger les lignes » indique-t-il (cf. Fin de vie : des mutuelles et fédérations professionnelles pour « l’aide active à mourir »). « Avec le Pacte progressiste, nous appelons de nos vœux une place plus grande accordée à l’euthanasie et la suppression de la condition de pronostic vital engagé, afin de ne pas exclure les personnes atteintes de maladies neurodégénératives ».

La MGEN est d’ailleurs en ordre de marche. Au-delà des prises de position de son président, ses délégués départementaux ont pris contact avec les députés pour promouvoir le texte, a révélé Patrick Hetzel, député LR du Bas-Rhin (cf. Fin de vie : des députés dénoncent les lacunes de l’étude d’impact).

« Avoir le choix » ?

« Je pense que le rôle d’une mutuelle est de permettre à chacun d’avoir le choix », indique Matthias Savignac. « Il se trouve qu’à la fin des années 1960, la MGEN était favorable à la contraception avant qu’elle n’entre dans les mœurs. Ensuite, nous avons milité pour l’IVG et la PMA. Aujourd’hui, il est naturel que nous encouragions la liberté de choix sur la fin de vie », considère-t-il.

« Dans une logique de solidarité », le président de la MGEN estime que « nous pourrions devenir une terre de recours pour ceux qui n’ont pas la possibilité d’avoir accès à l’aide à mourir dans leur pays, en supprimant la condition de nationalité ». L’euthanasie sans frontières.

« Ma thèse de gauche est que nous ne sommes pas égaux face à la liberté de choix »

Bien qu’évoquant « la demande », Matthias Savignac se défend de toute considération économique (cf. Euthanasie et économies : quand certains prétendent s’offusquer, d’autres calculent). Mais des députés alertent. Ainsi, Patrick Hetzel souligne que « l’intérêt [des mutuelles] pour ce sujet interroge, alors qu’elles assument des dépenses croissantes liées à la dépendance ». De même, quelques rares députés socialistes et communistes s’inquiètent. Ainsi, Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle prépare une réunion des élus de gauche à l’Assemblée nationale sur le sujet [2]. « J’anticipe une logique comptable, qui s’installerait sur le temps long et qui poserait la question : “Est-ce que cette vie vaut le coup ?” », précise-t-il. « Ma thèse de gauche est que nous ne sommes pas égaux face à la liberté de choix en fonction de notre situation économique, sociale, relationnelle, matérielle et notre accès aux soins. Avec l’aide active à mourir, la vie de l’individu pourrait être soupesée économiquement parlant », craint le député. Or « je fais partie de ceux qui pensent que la vie n’a pas de prix », affirme Dominique Potier. Contrairement aux mutuelles ?

 

[1] Marianne, Matthias Savignac (MGEN) : “Sur la fin de vie, le rôle d’une mutuelle est de permettre à chacun d’avoir le choix”, Violaine des Courières (21/04/2024)

[2] Marianne, Vers une sélection darwinienne ? La fin de vie ou la crainte d’une dérive gestionnaire, Violaine des Courières (21/04/2024)

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