Dans une tribune du quotidien Le Figaro, l’avocat Gilles Antonowicz et le président de cour d’assises Jean-Pierre Getti d’une part, le Pr Jean-Roger le Gall auteur et membre de l’Académie de médecine d’autre part, exposent leurs points de vue sur l’euthanasie.
Pour Gilles Antonowicz et Jean-Pierre Getti, "la loi Leonetti autorise la sédation terminale qui entraîne le décès du patient dans un délai de six à quinze jours ; elle autorise l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation artificielle. Or, [s’interrogent-ils], que sont ces ‘actes d’endormissement’, si ce n’est, en bon français, des euthanasies ?". Reprenant une citation de Camus : "Mal nommer les choses, c’est introduire du désordre dans le monde", l’avocat et le président de cour d’assises précisent: "doivent désormais être considérées comme relevant de l’euthanasie toutes les pratiques médicales mises en œuvre pour assurer cumulativement le respect du droit du patient au refus de tout traitement, son droit à voir ses souffrances soulagées et permettre au médecin de ne pas s’obstiner de manière déraisonnable, sans crainte de représailles judiciaires" [en ajoutant que] "les médecins ont besoins de sécurité".
En outre, ils considèrent qu’ "il n’y a pas à distinguer entre euthanasie (geste pratiqué par un médecin pour des raisons médicales) et suicide médicalement assisté (produit fourni par le médecin, absorbé par la personne en fin de vie elle-même). En revanche, il y a lieu de ne plus entretenir la confusion entre suicide assisté et suicide médicalement assisté, le premier consistant en la fourniture par un tiers de produits létaux à une personne qui n’est pas médicalement parlant en fin de vie". Enfin, ils mentionnent qu’ "il est tout aussi important de cesser d’opposer artificiellement euthanasie et soins palliatifs. Certains attirent à raison l’attention sur le danger qu’il y aurait à voir l’euthanasie devenir la norme au prétexte que l’accompagnement palliatif serait trop onéreux ou trop difficile à mettre en œuvre". Pour ces auteurs, et afin de "conjurer le risque, il suffirait d’imposer aux médecins acceptant de prêter leur concours à une aide active à mourir de vérifier préalablement qu’un accompagnement palliatif a été effectivement proposé au patient". Prenant l’exemple de la loi belge, "il faut [selon eux], encadrer les pratiques et définir les procédures permettant aux médecins d’agir dans le respect de la volonté de leurs patients, sans avoir à craindre l’appréciation de leurs pairs ou du parquet".
Mais pour le Pr Jean-Roger Le Gall, "l’homicide volontaire n’est pas compatible avec la vocation de médecin, ni avec l’attente de nos patients et de leurs familles". Evoquant le "droit de mourir dans la dignité" prôné par les partisans de l’euthanasie, le Pr Jean-Roger Le Gall déclare : "Nous, médecins réanimateurs, sommes tout à fait d’accord avec ce droit, dans la mesure où mourir dans la dignité, c’est mourir dans le respect, entouré de l’affection des siens si possible. Rappelons la définition du respect : sentiment qui porte à traiter quelqu’un avec de grands égards, à ne pas lui porter atteinte". En tant que médecin, précise-t-il, "nous n’avons pas […] à répondre à une requête explicite du patient ou d’un de ses proches pour lui donner la mort. Nous sommes là pour éviter les souffrances inutiles. Le médecin peut alors se permettre de limiter, voire d’arrêter un traitement de survie, ce qui n’est en aucun cas une aide au suicide, car le traitement de confort est maintenu. L’euthanasie est assimilable à un homicide donc condamnable".
Pour le Pr Jean-Roger Le Gall, "aucune loi, aucune procédure ne changera le fait qu’arrêter ou suspendre le traitement actif est douloureux pour le médecin, les soignants et les familles. Un service de réanimation doit organiser au mieux la fin de vie en mettant le patient au cœur d’une relation de confiance entre son entourage et l’équipe de soin". Evoquant les soins à prodiguer, le Pr jean-Roger Le Gall précise : "nous devons en priorité soulager la douleur physique et morale du malade, en maintenant notamment l’aide ventilatoire et l’hydratation, et prendre toutes les mesures susceptible d’améliorer son confort et celui de ses proches".
Dans l’hypothèse où un médecin serait "confronté à une décision d’arrêt du traitement actif", Jean-Roger Le Gall rappelle que celui-ci "reste un homme comme les autres, avec sa part de subjectivité et d’incertitude. Aucune donné factuelle, si utile soit-elle, ne peut remplacer cette liberté et cette responsabilité, sans laquelle la médecine ne serait qu’un acte technique dénué d’humanité. Combien d’entre nous, vraiment, au moment décisif, seraient prêts à accepter pour eux ou pour leurs proches que leur médecin provoque délibérément leur mort en injectant du curare ou du chlorure de potassium ?". Pour le Pr Jean-Roger Le Gall, il faut donc laisser "l’euthanasie aux militants d’une cause désincarnée et continu[er] à faire une médecine humaine, qui préserve la vie et en respecte la fin".
Le Figaro 24/09/12