Un des forums des Etats-Généraux de la bioéthique avait pour sujet la recherche sur l’embryon, avec en toile de fond cette question : doit-on maintenir la loi de 2004 en l’état ? La loi de 2004 interdit la recherche sur l’embryon mais l’autorise à titre dérogatoire à deux conditions : l’exigence de progrès thérapeutique majeur et l’absence de méthode alternative d’efficacité comparable. Or les possibilités révolutionnaires offertes par les cellules souches adultes reprogrammées (iPS) par le Pr. Yamanaka en 2007, furent absentes des discussions. Comment expliquer ce silence au sujet d’une découverte, qui remet fondamentalement en cause les dérogations à l’interdit de recherche sur l’embryon en France ? Les cellules IPS rendent-elles obsolète l’usage des cellules embryonnaires (hESC) et du clonage, dans la poursuite d’une thérapeutique ? Aujourd’hui répondons à cette question.
iPS /hESC : mêmes caractéristiques1
Les cellules iPS, reprogrammées génétiquement et étant redevenues pluripotentes, équivalent aux cellules embryonnaires humaines. Au niveau morphologique elles ont les mêmes qualités d’auto-renouvellement et de prolifération, les antigènes de surface spécifiques, l’expression des gènes, le statut épigénétique de cellules pluripotentes (chromatine) et enfin les marqueurs spécifiques. In vitro, elles sont capables de maintenir leur auto-renouvellement et de donner des cellules des 3 feuillets embryonnaires etin vivo, elles réagissent de façon identique à celle des hESC : elles forment des tératomes.
Certains chercheurs évoquent le risque oncogène des cellules IPS or le problème du transgène c-Myc qui est oncogène a été résolu quelques semaines seulement après la découverte de 2007 : dorénavant, on utilise un nouveau gène, n-Myc, qui n’est pas cancérigène. On a aussi reproché à Yamanaka d’utiliser des vecteurs viraux pour obtenir sa reprogrammation : depuis une reprogrammation identique a pu être obtenue sans faire appel à un vecteur rétroviral. De plus, on n’injecte pas directement des cellules ainsi obtenues chez le patient mais on crée des lignées cellulaires à partir des cellules iPS qui n’expriment donc plus l’action du vecteur viral. Enfin concernant la résistance aux antibiotiques, il faut rappeler que l’utilisation d’un gène résistant aux antibiotiques n’est plus nécessaire, on peut dorénavant isoler les cellules iPS sur leurs simples critères morphologiques.
Les iPS supérieures aux hESC
Les cellules IPS sont identiques aux patients il n’y a donc pas de rejet immunologique car elles ont l’avantage de pouvoir être obtenues à partir de cellules directement prélevées sur le patient. Pour lesapplications thérapeutiques, c’est un avantage majeur car les greffes ne présenteront pas de problèmes d’immuno-compatibilité. Les hESC, au contraire, déclenchent un rejet immunologiquesystématique dans l’organisme receveur. Aucune solution n’y a été trouvée, à l’exception d’une thérapie immunosuppressive identique à celle mise en jeu dans les transplantations d’organes. “Les cellules iPS étant obtenues à partir de cellules des patients, elles ne risqueraient effectivement pas d’être rejetées par le système immunitaire et ne nécessiteraient pas de prendre un traitement immunosuppresseur à vie” a déclaré Anne-Lise Bennaceur-Griscelli2, Professeur d’Hématologie à l’Université Paris-Sud 11 / Unité Inserm 602.
Elles permettent de modéliser des pathologies : le professeur Yamanaka cite la génération de modèles de maladies “in vitro” comme la première application pratique à venir de cette technologie.
Les cellules IPS évitent de passer par le clonage, technique non maîtrisée. Avant la découverte des IPS, certains chercheurs tentaient de dériver des cellules souches d’embryons à partit d’un embryon obtenu par clonage du patient. Mais personne n’y est parvenu (le clonage humain ne marche pas) alors que la méthode de Yamanaka permet d’obtenir ces cellules dédifférenciées directement à partir du malade, sans clonage : plus efficace, plus sûr (car non seulement le clonage ne marchait pas mais on n’en connaissait pas les effets secondaires sur le développement des cellules) et donc plus rapide.
Certains disent que les cellules iPS n’auraient pu être obtenues sans l’utilisation d’embryons humains. Or l’étude de S. Yamanaka du 25 août 2006 portait sur des embryons de souris (et non humains) et au contraire ses travaux ont montré que l’étape des recherches sur les embryons humains n’était pas nécessaire.
Une révolution
Les cellules IPS ont révolutionné ce que l’on croyait impossible en matière de biologie moléculaire (rajeunir des cellules) et beaucoup d’obstacles inhérents à la technique ont pu être dépassés. Aujourd’hui déjà 300 laboratoires dans le monde travaillent sur ces cellules alors que cette découverte n’a que 2 ans et de nombreuses équipes qui travaillaient sur les embryons humains les ont abandonnés pour se consacrer aux cellules IPS. Le 2 juin 2009 le gouvernement japonais a décidé d’allouer plus de 40 millions d’euros à la recherche sur les cellules iPS.
Ian Wilmut, de l’Université d’Edimbourg et “père” de la brebis clonée Dolly a déclaré dès la découverte de S. Yamanaka, qu’il abandonnait le clonage. Le 18 mai 2009 il confirmait ses propos dans Gènéthique (voir interview sur www.genethique.org) : “Avant la découverte des cellules iPS, nous essayions de dériver des cellules souches d’embryons produits par le transfert d’un noyau cellulaire du patient souffrant d’une maladie héréditaire. A ce stade, personne n’a réussi. Mais maintenant, la dé-différentiation de cellules somatiques murines (méthode du Pr. Yamanaka) a démontré que le même objectif pouvait être atteint en utilisant directement les cellules somatiques des malades. Il y a un avantage thérapeutique majeur avec les cellules iPS : elles sont génétiquement identiques au patient, permettent de modéliser des pathologies et de rechercher rapidement des médicaments pour traiter en amont les symptômes de la maladie. (…) La technique du clonage n’est donc plus une technique d’actualité. Si la science offre des pistes plus rapides, intéressantes et efficaces, je suis d’avis de les suivre.”
Pour avoir l’étude complète et voir les références scientifiques, consulter le dossier IPS surwww.genethique.org
2 – La Recherche N°426 – 01/2009 – PALMARÈS 2008, “Les promesses des cellules iPS”, Sophie Coisne