Un décret en Conseil d’Etat pris en application de la loi santé[1] et publié le 14 août vient renforcer le consentement présumé au don d’organes : il définit les modalités d’expression du refus au prélèvement d’organes après la mort. Ces mesures controversées entreront en vigueur le 1er janvier 2017.
Le consentement présumé, déjà établi par la loi Caillavet de 1976[2], avait été assoupli[3]. Le recueil de la position du défunt devait être réalisé « par tous moyens », notamment par un dialogue avec la famille. Mais à l’occasion des travaux sur le projet de loi santé, la pénurie de greffons convainc les députés Jean-Louis Touraine et Michèle Delaunay de revenir au consentement présumé tel qu’édicté par la loi Caillavet. Ils proposent alors de supprimer l’obligation faite au médecin de rechercher auprès des proches du défunt sa volonté. Loin de faire l’unanimité, leur amendement suscite une vague de protestations : professionnels de santé, philosophes, associations de patients se lèvent contre cette mesure jugée « contre-productive ». En vain. Sans consultation des équipes impliquées, l’article est adopté en janvier 2016.
Alertée par une explosion des demandes d’inscriptions au registre des refus, l’Agence de Biomédecine communique dès le mois de juin sous le slogan : « Vous êtes donneurs. Sauf si vous dites que vous ne voulez pas être donneur ». Elle anticipe le décret du 14 août, qui la charge d’ « informer le public et les usagers du système de santé » de ces nouvelles modalités.
Le décret précise par ailleurs que la modalité principale de refus[4] consiste en l’inscription sur le registre national automatisé des refus de prélèvement, géré par l’Agence de Biomédecine. De façon secondaire, le refus peut être exprimé par écrit, sur un document « daté et signé par son auteur dûment identifié ». Si la personne n’est pas en mesure d’écrire et de signer elle-même, deux témoins sont requis pour attester que le document est l’expression de sa volonté libre et éclairée. Dernière option, un proche ou un membre de l’équipe de coordination hospitalière de prélèvement peut faire valoir le refus manifesté expressément de son vivant par la personne décédée, en le transcrivant par écrit dans le dossier médical du patient avec mention précise du contexte et des circonstances de son expression.
Ainsi, sans concertation, le prélèvement d’organe sur une personne décédée devient quasi automatique. Au risque de provoquer des réactions de défiance entre familles et professionnels de santé, mais aussi de considérer le patient comme un réservoir de pièces détachées. Or « la mort ne fait pas de l’humain une machine dont on pourrait remplacer les pièces à son gré »[5].
[1] Article 192, loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
[2] La loi n° 76-1181 de 1976 stipule que « des prélèvements peuvent être effectués à des fins thérapeutiques ou scientifiques sur le cadavre d’une personne n’ayant pas fait connaître de son vivant son refus d’un tel prélèvement ».
[3] La loi n°2011-814 de juillet 2011 précise que « ce refus peut être exprimé par tout moyen, notamment par l’inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. Il est révocable à tout moment. Si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir auprès des proches l’opposition au don d’organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt, par tout moyen ».
[4] Le refus « peut concerner l’ensemble des organes et tissus susceptibles d’être prélevés ou seulement certains d’entre eux »; il est « révisable et révocable à tout moment ».
[5] Chantal Delsol, 7/05/2015 (Chantal Delsol : Du don d’organes à l’« assignation d’organes »).