Sur Le Monde.fr, Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France, livre son avis concernant les enjeux éthiques, sociaux et politiques de la levée de l’anonymat du don de gamètes.
Jérôme Vignon constate d’abord que les conclusions des Etats généraux de la bioéthique, qui avaient été largement saluées, ont été mises de côté depuis. Des personnalités politiques et une partie du monde médical se sont mobilisées pour contredire les travaux effectués par les Etats généraux et la mission d’information parlementaire sur la bioéthique. Ainsi, Jean Leonetti et le Pr. René Frydman se sont positionnés pour la vitrification d’ovocytes (Cf. Synthèse de presse du 05/11/10). De même, la commission parlementaire spéciale chargée d’examiner le projet de loi de bioéthique donne "le sentiment de basculer dans un acquiescement à la légitimité des chercheurs benoîtement revendiquée par la directrice de l’Agence de biomédecine qui n’hésite pas à recommander aux députés : "Si ces chercheurs revendiquent la possibilité de mener des recherches dont ils sont conscients qu’elles peuvent apparaître comme transgressives, c’est parce qu’ils les pensent porteuses d’un progrès majeur pour l’humanité" ".
Selon Jérôme Vignon, la question de la levée de l’anonymat du don de gamètes devient un élément important de ce basculement et un enjeu politique majeur car c’est "sous couvert d’un anonymat permettant la dépersonnalisation des "produits de la technique médicale" que peuvent se développer les projets les plus insensés". Alors qu’est voulue la conservation de spermatozoïdes, ovocytes et embryons humains à grande échelle, il considère que la levée de l’anonymat du don de gamètes "constitue un rempart contre la marchandisation – avouée ou masquée – de l’être humain, contre le séquençage de la procréation sans considération suffisante du droit et de la santé des personnes, et contre l’intrusion excessive de la biomédecine dans l’intimité humaine". Cette remise en cause de l’anonymat du don de gamètes est aussi selon lui une "exigence de transparence sociale" : la société ayant institué un accès à la parenté par l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, elle se doit de le valider "pour se donner les moyens de l’assumer – plutôt que de le dissimuler".
Les députés ont à choisir entre "deux projets de société" conclut-il : l’un respecte les droits des personnes dans leur corporéité, l’autre est "retardataire par rapport à l’évolution des mentalités qui ont pris conscience des dangers que peut représenter pour les générations futures le morcellement scientifique à grande échelle du corps humain et de la procréation".
Le Monde.fr 07/01/10